Alone in the Dark : La licence qui traverse la France   PAR Haganeren 





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Alone in the Dark 2 : Le pariah

Alone in the Dark 2 : Le pariah




Alone in the Dark 2 sort à peine un an après le premier et pourtant, bien des choses ont changé en interne… La plus connue car la plus médiatisé c’est le départ de Frédérick Raynal d’Infograme. En effet, le créateur avait de grandes ambitions pour Alone in the Dark 2 : Plus de polygones, faire un système de lumière et d’ombre et pourquoi pas une caméra dynamique, capable de se déplacer librement. Mais Bruno Bonnel ne l'entendait pas de cette oreille, pour lui il fallait au contraire battre le fer tant qu’il était chaud et sortir une suite dans l'année suivante ! Pour Noel 1993 ! Reynal est tiraillé, il a l’impression de trahir la boite, mais une proposition alléchante finit par le faire quitter la boîte avec une partie des employés pour fonder sa propre entreprise : Adeline Software. Là, il aurait carte blanche pour faire ce qu'il veut avec son équipe, une opportunité comme on en a rarement... C'est de là que sortiront les excellents Little Big Adventure ( déjà évoqué dans cet autre dossier ) et Time Commando, un titre plus mitigé que j’aimerais revisiter un jour, malgré tout.

De la team créative du premier épisode, il ne reste que Hubert Chardot ( gauche ) le scénariste et Franck de Girolami ( droite ) programmeur.
Les deux ont beau être déçu qu'on ne leur ait même pas proposé de suivre l'équipe de Reynal ils doivent malgré tout tenir la barque du second volet.



Mais revenons en arrière, à la sortie d'Alone in the Dark premier du nom qui fut du coup célébrée dans une ambiance à la fois joyeuse et amères. C’est à ce moment précis que ceux qui étaient restés, comme le scénariste Hubert Chardot et le stagiaire programmeur Franck De Girolami, réalisèrent que l'équipe pour lequel ils avaient tant donné venait de se dissoudre. Hubert Chardot raconte avoir simplement demandé à Reynal “Mais alors, tu t’en vas ?”... - “Oui” lui avait-il simplement répondu. Il voulu enchainer “Mais pourquoi ne m’emmènes-tu pas ?” mais garda la question pour lui… Même témoignage pour De Girolami qui dira simplement “qu'il n’a pas été choisi”… Il fut en tout cas bombardé directeur du second volet, “j’étais la personne la mieux placée pour ce poste” selon ses dires dans une interview à Micro Kids en 1993. Une émission amusante d’ailleurs, qui spoile globalement tout le jeu un jour avant sa sortie vu comme il n’est pas bien long. En tout cas, ce dossier ne fait que commencer mais c’est ici que Reynal, visionnaire génial, descend du navire de la série pour un bon moment. Nous, on va rester pour voir comment se démènent les laissés pour compte, les orphelins du navire.

Déjà... Ils se sont tout de même démenés pour sortir le jeu pour Noël 1993. Et la vérité c'est que Bruno Bonnell ne croyait pas un instant qu'ils y arriveraient tout en portant le premier Alone sur console en même temps ! Et puis bon, Franck De Girolami était tout de même passé de stagiaire programmeur à chef de projet orphelin du jour au lendemain et il devait réorganiser la boite après le départ de l'équipe de Frédérick Reynal... Mais surtout de Didier Chanfrey qui était beaucoup plus ancré dans la boite et en était devenu un vrai pilier ! Ce dernier, culpabilisant un peu, enseigna au maximum l'utilisation de ces outils 3Ds révolutionnaires à son successeur Patrick Charpenet, un ami de Franck... Mais surtout lui donna un carnet d'adresses avec tout un tas d'artiste prometteurs sortis de la même école que Yael, celle qui avait fait les backgrounds du manoir d'Alone 1.

Alone in the Dark 2 est un moment d'industrialisation pour Infogrames qui veut sortir le jeu en moins d'un an pour Noel !
Beaucoup d'artistes furent déployés en freelance pour aider à la grande quantité de background, beaucoup d'entre eux fonderont la boite Étranges Libellules



Alone in the Dark 2 était à la fois sans ambition artistique, puisqu'il devait simplement reproduire le premier mais il avait malgré tout une grande ambition en terme de production ! Les objectifs étaient bien plus haut que tout ce qu'Infogrames avait produit jusqu'à présent avec un jeu plus grand, plus beau, plus diversifié bref meilleur sur tous les points. On assite à une véritable industrialisation du studio qui jusque là faisait des projets bien moins chers... Et cela signifie le commencement de ce qui deviendra une grande tradition pour les studios de jeu vidéo : "jeter de l'argent sur les problèmes". 8 mois pour faire un jeu ? Qu'à cela ne tienne : embauchons quatre fois plus de personnes pour produire quatre fois plus vite ! Une méthode qui, en vrai, marchait encore à l'époque puisque l'équipe était montée à... Vingt personnes. Ce qui semble minuscule par rapport à aujourd'hui mais devait paraitre délirant à un Bruno Bonnell qui avait ironiquement beaucoup reproché à Alone in the Dark 1 de couter trop cher ! Bien sûr, son succès commercial justifiait amplement l'investissement et cette nouvelle équipe était très enthousiaste du haut de leurs vingt ans étaient prêt à mettre toute leur énergie dans la suite de l'un des jeux les plus appréciés de 1993... Et encore, leur recrutement n'a pas été si simple car Infogrames n'avait pas la meilleurs des réputations financièrement... Franck raconte par exemple que durant Alone 1 il n'a pas été payé pendant 6 mois et qu'en demandant des explications on lui a répondu "Rho, tu habites chez tes parents non ? T'as vraiment besoin de cet argent ?"

Ils s'en mordront les doigts mais pour le moment, Franck est trop occupé par son nouveau poste pour y réfléchir... Et même coder quoique ce soit ! Il passe surtout son temps à éclairer les nouveaux arrivants sur le code plus ou moins bricolé et sans commentaire laissé par Frederick Reynal pour finir Alone 1 dans les temps. On lui a quand même demandé un truc... Oui, en parallèle du développement d’Alone 2, il doit coder un petit jeu promotionnel, censé sortir juste avant. À peine trente minutes de contenu, certes, mais tout de même du boulot supplémentaire ! Allez savoir pourquoi Franck a accepté et codera quasiment seul ce projet avec bien sûr Patrick Charpenet et Hubert Chardot.

Jack in the Dark

Support : DOS
Développeur : Infogrames
Date :  1993 ( DOS ) 1994 ( PC 98 & FM-Towns ) 1995 ( 3DO ) 1996 ( Saturn, PSX et Macintosh )
Genre : ... Aventure ?



Ce petit jeu promotionnel, c'est Jack in the Dark... Une sorte de petit comte qui met en scène Graces, une petite fille qui se retrouve coincée dans un magasin de jouet où le père noel a été capturé par une bande de jouet dirigé par un diable dans la boite ( "jack in the box" ). Et seule Graces du haut de ses quoi... 8 ans, peut l'aider !

Jack in the Dark est un petit jeu qui met en scène Graces, petite fille coincée dans un magasin de jouet où le père Noel est prisonnier !


C'est un projet assez mignon qui utilise les modèles du futur Alone in the Dark 2 mais ne rentre évidemment pas dans sa chronologie et ça le rend très flou. Allez savoir ce que Graces faisait dans ce magasin de jouet, comment le père Noel a pu se faire capturer comme ça et bien évidemment si il s'agit du même personnage que la Graces d'Alone in the Dark 2... Sans doute pas, le projet n'est pas trop à prendre au sérieux même si il se contrôle comme les autres épisodes de la série ! On y retrouve les mêmes déplacement façon tank et le même type d'inventaire avec des verbes à sélectionner. Les objets ont des utilisations diverses qui rappelle certains puzzle d'Alone 2 et certains changent même l'animation de déplacement de l'héroïne comme ce petit tambour qui la fait avancer en jouant.

Les énigmes sont pas toujours évidentes mais le huit clot fait qu'il est assez simple d'épuiser toutes les possibilités. Surtout, ce petit jeu permettait déjà de montrer des avancées d'Alone in the Dark 2 comme pouvoir afficher bien plus de personnages en même temps comme le prouve ces petites figurines qui suivent l'héroine ou encore le fait d'avoir de vrais backgrounds animés près du feu de cheminés. De façon général, la direction artistique fait beaucoup moins "vide" que le manoir du premier épisode et c'est quelque chose qu'on retrouvera sur le second.

Jack in the Dark présente sur l'écran beaucoup plus d'objets 3D bougeant en même temps ! Un train, un avion, des poupées mouvantes...
Il en devient parfois brouillon avec son diable dans la boite aux réactions bizarres ou ses jouets chacune avec sa petite animation spécifique... Mais pourquoi pas.



Peu de chose à dire finalement pour cette petite capsule de l'époque. Le début peut sembler brouillon avec cette galerie de personnages 3D ambitieux mais limités en polygones : une poupée indienne, un Petit Poucet aux bottes géantes, un ver de terre avec un képi, une peluche… chacun doté de ses animations spécifiques. Mais pour peu qu'on soit attentif à ce qu'il se passe, Jack in the Dark est étonnamment plus clean dans ses puzzles que le vrai Alone in the Dark 2 ce qui en fait un jeu amusant à jouer... D'autant qu'il dure qu'une heure !


Alone in the Dark 2

Support : DOS
Développeur : Infogrames
Date :  1993 ( DOS ) 1994 ( PC 98 & FM-Towns ) 1995 ( 3DO ) 1996 ( Saturn, PSX, Mac )
Genre : Survival Horror


Cette fois parlons vraiment d'Alone in the Dark 2 avec une intro qui prend son temps, présentant un homme bedonnant réussir à escalader la façade d’un mystérieux manoir… Oui, encore un… Mais cette fois le lieu situé au bord d’une falaise battue par la mer est nommé Hell's Kitchen... Comme à New York ! Les gardes sont armés de Thompsons et autres armes à feu, une menace plus crue que les zombiess et démons-poulets du premier opus ! Finalement, le mystérieux homme finit par atteindre une fenêtre et y trouve une enfant allongée dans son lit... Elle se retourne alors, et lui sourit… De façon incroyable malgré l’âge du jeu, le sourire est pas trop horrible et on ressent un peu la sincérité que voulait faire passer son animateur : Malheureusement, un pantin clown posé dans un coin de la pièce se réveille et étrangle l’homme par derrière ce qui vaudra sans doute 10 ans de thérapie pour la malheureuse gamine. Un texte malheureusement non doublé clarifie enfin la situation, l’homme qui vient d’être tué est Theodore “Ted” Strickers, il demande de l’aide à Edward Carnby, le héros du premier épisode, pour sauver la petite Graces Saunders enlevé par une bande de malfrat. Oui, la même Graces que dans Jack in the Box... Ou en tout cas le même modèle 3D...  Il précise enfin que l’endroit est “maudit” sans plus d’explication.

L'introduction d'Alone 2 a tout de même sa petite ambiance avec ce petit vieux qui escalade avec peine la façade de ce manoir avant de se faire assassiner.
Les progrès techniques dans l'animation sont évident, même le sourire de la fillette kidnappée est encore réussi !


Alors moi j'aurais pas tenté le sauvetage solo après avoir envoyé un télégramme pareil mais Carnby ne semble pas se poser la question “Je n’aime pas qu’on s’attaque à un ami ou une enfant” dit il en prenant son 38 qui cette fois ne restera PAS au bureau. Sa personnalité semble avoir changé depuis l’épisode précédent où on le présentait comme “un reptile” prêt à tout pour avoir un peu d’argent et calmer son banquier. Là, il semble plutôt transporté par la rage d’avoir perdu un proche … Même s' il ne sait techniquement pas qu’il est mort… Mais qu’importe, le jeu commence avec lui qui fout une valise piégée devant le portail du manoir et qui fait tout exploser alors que le titre du jeu ne débarque nous confirmant que oui, nous jouons bien à Alone in the Dark 2 !

Et là, sans transition, le joueur est précipité dans l’enfer… Parce qu’on est juste devant un garde assommé qui ne va VRAIMENT pas tarder à reprendre connaissance, et on doit soudainement assimiler toutes les différences par rapport au premier opus ! Déjà, on a plus que deux verbes au lieu des quatres ( voir cinq ! ) du jeu précédent. “Pousser” et surtout “Attaquer” ! Plus de verbe “regarder” qui était quand même assez primordial avant et surtout plus de verbe “fermer” qui était tout de même la pierre angulaire du gameplay du prem-non ça par contre pas du tout. Mais bref, la disparition de “regarder” c’était quand même très significatif du tournant “action” que prit ce second opus !

Le premier écran du jeu c'est le joueur face à un garde qui reprend ses esprits et qu'il doit donc battre pour récupérer son pistolet !
Entre ça et l'absence du verbe "regarder" dans le menu des actions, Alone 2 donne l'impression d'un jeu beaucoup plus action que le premier !



Et pour cause, il est plutôt conseillé de battre à main nu le garde à terre afin de récupérer son arme parce que après…. Le joueur est amené à fuir vers le labyrinthe de haie façon Shining truffé de gardes armés. Et là bon courage, on est censé flinguer tout ce beau monde malgré une absence totale d'aide à la visée. Petit tip : Tentez de fuir vos ennemis pour les emmener dans des endroits où l'angle de vue sera un peu en hauteur car la ligne de tir y est bien plus facile à visualiser. Et attendez les ennemis dans des coins du labyrinthe pour éviter qu'ils ne vous tirent dessus en premier... On est très facilement stunlock dans ce jeu car les ennemis peuvent vous tirer dessus en continu plus rapidement que vous ne pouvez reprendre la main ! Dans ces moments il faut apprendre à reculer en manoeuvrant la direction même en pleine animation de douleur... Ou parier pour qu'un autre ennemi tire sur le premier par erreur aussi, c'est assez technique ! L'air de rien le fait de pouvoir attirer les ennemis dans un endroit qui nous avantage n'est pas quelque chose que l'on voit souvent car les Resident Evil-like qui arriveront après auront tendance à cantonner les ennemis dans une même salle ce qui empêche ces petites stratégies. Reste que le tournant action a de quoi choquer, j'avais vu dans une interview que ce qu’aimait le plus les journalistes dans le premier épisode c’était de dégommer du zombie à coup de fusil à pompe, donc on peut imaginer que c’est une des raisons de ce tournant action ? Ca et le succès de Wolfenstein 3D plus tôt comme le dévoilera Hubert Chardot...

Quand j’étais petit, c’est ici que j’ai arrêté. Les combats étaient trop durs et la nouvelle linéarité du jeu signifiait qu’en ne comprenant pas un puzzle, je n’avais aucun moyen de visiter le reste du jeu ! En vrai, je n’avais pas trop insisté car Alone in the Dark 1 et 3 m’occupaient déjà bien assez et que si aujourd’hui j’ai une énorme facilité à passer le début très porté sur l’action, il faut se souvenir qu’à l’époque, les ordinateurs n'avaient pas forcément de quoi faire tourner le jeu sans ramer énormément et ça rendait les combats d’autant plus compliqués !

Cette première partie du jeu alterne entre combat contre nos poursuivants et puzzle difficilement compréhensible.
Quand j'étais petit, malgré ce plan depuis la fenêtre rappelant le premier épisode, c'est là que j'ai arrêté, c'était vraiment trop dur !



Du Lovecraft au Vaudou

Lors de sa conférence GDC de 2012, Frederick Reynal avouera qu’il n’est pas vraiment fan de jeux d’action pur et qu’il n’est donc pas très content de ce qu’Infogrames a fait avec cet épisode…. Il précisera même qu’il pense que des jeux comme Silent Hill ou Alan Wake représentent davantage l'esprit qu'il voulait insuffler dans la série… Et en termes d’horreur, il a évidemment parfaitement raison : l’ambiance Cthulhu a été complètement effacée et on a à la place une sorte de délire pirate zombie vaudou un peu bizarre. Il y a fort à parier que cela ait été fait pour ne pas avoir à renégocier des droits sur le mythe de Cthulhu même si tout ça est toujours théoriquement scénarisé par Hubert Chardot comme pour le premier. Il dit avoir voulu que le jeu se déroule durant l'ère de la prohibition Américaine et en effet, il y a tout le nécessaire pour distiller de l'alcool dans les caves de Hell Kitchen ! L'idée qui le fascine, c'est de “dévoiler l’occulte / les ténèbres” dans l’Histoire américaine. Il parle longuement de cette thématique dans Tales from French Game Developers et comment il lie cette idée à Lovecraft lui-même. Pour lui cette transition fait sens, certains développeurs faisaient même le parallèle entre Alien et le second Aliens beaucoup plus action !

Bref, l’histoire d’Alone 2 est clairement présente et motivée par quelqu’un de passionné. Il y a d’ailleurs de nombreux livres à lire même si hélas je les trouve bien moins passionnant cette fois ci... Je m'explique : Dans Alone 1 on parlait de légendes grecques, d’espace, d’arabes fous, de moines copistes, de pirates et bien sûr de Derceto elle même. C’était un moyen intelligent de donner l’impression qu'un vaste monde existait au-delà des quelques salles dont le jeu est composé… Ici, Hell’s Kitchen ne parle que d'elle même; Ses livres sont à propos des différents membres du gang que l'on affronte et pas grand chose de plus ce qui rend l'univers beaucoup plus petit à mon sens. Certes, pour compenser ils ont une histoire assez travaillés et elle sera d'ailleurs racontés par les antagonistes principaux eux même au lieu d'être lu dans un livre leur donnant ainsi un role beaucoup plus actif !

Alone 2 n'a plus la moindre référence à Chtulhu... Mais les caves du manoir semblent nous parler de l'époque de la Prohibition américaine.
Pour Hubert Chardot, il s'agit dans les deux cas de mettre en avant la face cachée de l'Amérique... Même ce délire de pirates colonialistes !



On le saura, l’ambiance et l’histoire ont certes pris un sacré tournant mais en termes de déroulement en revanche, je souhaiterais réhabiliter un peu ce pauvre Alone 2. Car passé l'intro dans les jardins, le jeu nous fait rentrer dans un manoir exactement comme dans le premier jeu et beaucoup de combats peuvent être résolus par la force, soit par la ruse… Comme le premier ! Oui, si je déchire l’article de journal d’un certain Musicman, le gars est si bouleversé qu’il en meurt sur le coup. Pas besoin de l’affronter. Ou encore, face à un ennemi en face d'un trou, il suffit de gonfler un sac en papier pour le faire sursauter… et déclencher un mécanisme qui le fera tomber dans le vide. Génial non ?

Non…. Bien sûr en pratique JAMAIS je pense à ces solutions. Quand j'ai déjà éliminé dix ennemis à la Thompson j’ai pas SPÉCIALEMENT de raison de me dire “ouais non ce combat je vais déchirer un papier en fait”. La chose amusante c'est que le jeu a aussi le cas inverse ! Des ennemis si particuliers qu'il semble évident qu'il faut les avoir avec un puzzle alors que pas du tout... Genre ce spectre transparent super bizarre au début ou ce gros cuisinier qui me dit “Le vin ouvre bien des portes…” avant de me canarder avec une sarbacane parce qu-euh je sais pas, il est juste fou. Non eux non, tu les éclates avec ce que tu as sous la main, donc tes poings en les coinçant contre un mur, ton arme ou une poêle à frire tiens, c’est rigolo. Du coup EUX y'a pas moyen de les abattre de façon alternative alors que plein d'autres persos oui souvent avec des objets dans l'inventaire qui du coup peuvent se retrouver non utilisés !

Alone 2 sera accusé notamment par Reynal de n'être qu'un jeu d'action pur mais pourtant, il y a beaucoup de situations où la force ne nous mène qu'à la mort.
Au final, les objets et les puzzles ont encore une place prépondérante, on est même déguisé en père Noel pendant un bon tiers du jeu pour "s'infiltrer" !



Options et Design

Si le fait d'avoir des moyens alternatifs pour triompher ne marche pas dans le jeu, c’est tout simplement parce que tous les combats ne sont pas traités pareil. Dans un jeu comme Deus Ex, Thief ou Dishonored, on sait qu'il est possible de "ne tuer personne" et c'est un peu un contrat passé au joueur de trouver comment faire sans que ce soit obligatoire pour autant. Alone in the Dark 2 fout déjà en l’air ce principe puisque récupérer l’arme du premier garde en le tuant semble indispensable même si il est TECHNIQUEMENT possible de fuir dans le labyrinthe sans tuer personne… Bon courage hein… Mais ce n'est pas une trahison de l'esprit du premier jeu ! Alone 1 était déjà comme ça !
Quand j’étais petit j’étais VRAIMENT nul en combat et mon ordinateur ramait BEAUCOUP du coup à force de recommencer le grenier pour la quatorzième fois, j’ai fini par comprendre le coup de bloquer les sorties avec des meubles… Mais faut bien comprendre qu’un joueur moderne qui fait son premier run d’Alone in the Dark et qui est habitué aux jeux d’action n'aura probablement même pas conscience qu'il existe d'autres moyens que le combat et rechargera de sa partie autant de fois que nécessaire pour vaincre le premier ennemi.... Vraiment, le problème d’Alone 2 vient de l’ADN que Reynal lui-même a conçu en faisant le 1 ! Il est juste plus apparent dans Alone 2 à cause de son jeu plus long, son plus grand nombre d’ennemis et de situations… Et encore ! Les nombreux livres décrits plus tôt dévoilent parfois les faiblesses de chaque membre de l’équipage du One Eye Jack, on est pas si loin de quand j’ai dû lire un livre pour comprendre comment vaincre le Vagabond dans le 1 !

Et franchement… Autant Silent Hill 2 est un chef d’oeuvre inattaquable de narration, autant son gameplay de MORT à taper le même monstre avec la barre de fer pendant trois plombes, comment DIABLE peut on considérer que c’est plus dans l’esprit d’Alone in the Dark 1 que ce second épisode qui a carrément un manoir à visiter en 2e partie avec un délire si similaire au premier ?  D’ailleurs, Wikipedia cite l'interview d’un Edge Magazine dévoilant que l’équipe originelle d’Alone 1 qui a désigné une partie de ce second manoir avec cette idée de se déguiser en père Noël avant de partir avec Reynal ! Bon… Moi j'ai pas réussi à retrouver la source mais le fait que ça semble plausible montre à quel point les jeux sont similaires !  Et puis alors vraiment… Alan Wake ? Un autre TPS uniquement action avec des combats qui trainent en longueur alors que l’intrigue, super intéressante ne voulait pas se dévoiler avant la fin ? ( Fin qui était en DLC à l’époque d'ailleurs... ). En tout cas Alan Wake c’est l’antithèse du jeu où on peut vaincre les ennemis de plusieurs manières, et d’après Reynal, ce serait plus proche de son oeuvre qu’Alone 2 ? Franchement, la haine et le dégout emportent le créateur sur le sujet je pense…

Beaucoup d'ennemis doivent se battre par la ruse mais le clown fait juste euh... Ca.... Et la manière de le vaincre est incompréhensible... Le jeu est pas très clair.
Au moins quand un ennemi se fait battre à la baston, l'action est clair... Enfin... Sauf pour ce fantôme chelou dans le sous sol qui bizarrement se bat sans puzzle !



Parce que bon, moi le reproche que je pourrais faire au jeu au contraire c’est qu'autant j’arrivais à peu près à m’en sortir sur les énigmes d’Alone 1, autant Alone 2 me perd MÉCHAMMENT dessus. Franchement j’ai l’impression d’avoir regardé la soluce tout le long du jeu ! J’ai toujours l’impression d’avoir la vanne à rebours, genre un moment on a une couronne et il fallait penser à la mettre sur un buste de femme que je pensais être que du décor pour ouvrir une porte… Et en fait euh ben oui, c’est vrai qu'en regardant de plus près, j’avais un manuscrit qui disait que “le roi donnait le pouvoir à la reine” et euh donc oui ok, moi "le roi" je donne le pouvoir à la reine ( donner la couronne au buste de femme ), c’est complètement tiré par les cheveux.

Je ne parle même pas de l’autre cuisinier avec son “le vin ouvre bien des portes” que j’étais SÛR qu’il voulait que je lui offre une bouteille ! Mais pas du tout puisque lui faut juste le buter on l’a vu. Du coup “en fait” il faut trouver du poison, empoisonner le vin et le poser devant une porte fermée pour qu’il soit pris par les mecs dedans et après ils en sortent et meurent et la porte est ouverte…. C’est un boulbi boulga constant incompréhensible qui faisait sans doute sens lors des réunions hebdomadaires du jeu mais sur lequel on est jamais vraiment sûr de rien vu que si ça se trouve les objets devaient être utilisés pour abattre des ennemis qu’on a finalement battu à la main !

"Le vin ouvre bien des portes" doit être le puzzle le plus obscur du jeu mais la seconde image montre un autre type assez étonnant, un puzzle facultatif !
Si la séquence avait marché j'aurais envoyé valser ce méchant avec ce mécanisme mais j'ai raté alors j'en suis rendu à le tabasser pour le jeter par dessus bord !
Même quand on pense à faire le puzzle on peut le foirer !



A l’inverse les puzzles que j’arrivais à résoudre c’est généralement parce que j’étais dans une position où j’avais pas d’autres choix et trucs à tenter…. Genre ouais, 2e étage, on retrouve le clown de l’intro qui euh.. Me fait rien alors qu'il a étranglé mon gros mentor mais du coup pour m'en débarrasser faut que je jette le ponpon que j'ai trouvé plus tôt en direction d'un endroit à serpent pour qu'il y aille et.. Disparaisse... Et les serpents aussi.... Et du coup je peux passer parce que avant les serpents me one shotait… C’est absurde mais au moins je suis passé...

C’est vraiment pour moi le plus gros défaut d’Alone 2…. Ce qui est très ironique de la part d’un jeu que tout le monde décrit comme étant “trop action”... Il est trop action sur beaucoup de situations, oui, mais on passe tout de même la majorité du temps à résoudre des énigmes pour pouvoir continuer, c’est un pur Alone in the Dark ! D’autant que l’opus compense vite son intro musclée non seulement par son manoir similaire au premier mais aussi par son final !

J'ai finalement compris qu'Alone in the Dark 2 a été construit comme un film avec ses plans et ses péripéties de l'intro musclé au final épique.
Ca explique les changements de tons entre l'action, l'infiltration... Et même les séquences de puzzle qui sont davantage des séquences de films scriptés !


Direction cinématographique

Car oui, à un moment dans le jeu j’ai réalisé qu’on était en train de me montrer un véritable scénario de film d'aventure classique à la Star Wars. Bon, le début est un peu plus explosif mais Carnby finit par tomber sur le corps sans vie de Ted Strickers… Son mentor. Et ça c'est un très gros cliché de l'archétype du "monomythe" le coup de la mort du mentor. Plus tard, on finit par atteindre une autre étape d'importance : la “mort” symbolique du héros ( sa capture ) jusqu’à sa “renaissance” ce qui renouvelle d’autant plus l’intérêt narratif du jeu... C'est pourquoi il fait sens que Carnby se fasse avoir comme un bleu vers la moitié du jeu et que le joueur doive alors contrôler le personnage même que l’on doit sauver : Graces. D'après Chardot c'est pas du tout le monomithe mais une convention de film noir.

On voit que Graces a reçu beaucoup d’affection de la part de l’équipe de développement. En plus d'être l'héroine de Jack in the Dark, elle a beaucoup d’animations un peu rigolote genre tirer la langue ou alors pousser des choses avec les pieds… Ce qui ne sert jamais à rien vu que la seule fois où elle pousse un truc, une animation spécifique se déclenche ! Elle a même une animation spéciale où si elle tombe dans un trou elle amorti sa chute avec un espèce de parapluie qu’elle ne sort d’on ne sait où. En fait, elle me fait beaucoup penser à Maria Renard de Castlevania : Rondo of Blood dans sa manière d’être complètement insouciante dans un monde pourtant théoriquement très hostile.
Quitte à avoir renoncé à l’atmosphère oppressante du premier opus, rajouter un personnage qui ne peut JAMAIS utiliser la force et qui est un peu burlesque comme Graces a été une étonnante surprise. Bon, les mécaniques d'infiltration sont inexistantes ce qui fait que le jeu est un immense die and retry sur quel chemin prendre pour ne pas se faire repérer... Oui c'est pas toujours terrible on voit encore l'amateurisme dans des mécaniques de jeu peu vu en 1993 mais la revisite que l'on fait avec ce personnage n'est vraiment pas désagréable en soi… Je dirais même que ça m’a donné une réelle sympathie pour le jeu que je n’avais pas avant ! Finalement, elle finit par libérer pour de bon Carnby qui, dans un tout nouvel environnement que le manoir, devra se débarrasser définitivement de cet équipage de mort vivant !

Carnby capturé, on se met à jouer un personnage beaucoup plus burlesque qui n'a aucune force physique !
Ah ça, l'atmosphère lovecraftienne est bien loin... Mais en vrai cette séquence donne un vrai charme au jeu.



On revient à cette idée de "film" qui est peut être ce qu'apporte vraiment Alone in the Dark 2 par rapport au premier opus ! Au lieu d'avoir une exploration allant de plus en plus dans les profondeurs du manoir dans un délire très jeu vidéo, Alone in the Dark 2 lui est davantage découpé en actes prenant place à différents endrotis. Pris comme ça, il fait sens d'avoir une intro explosive et le labyrinthe de haie façon Shining est un clin d'oeil à peine caché ! Le milieu plus tourné dans l'infiltration où on se déguise en père noel fait aussi sens et le twist où on suit un autre personnage est aussi très logique dans cet optique sans compter le final forcément en apothéose dans un lieu original !
D’ailleurs, Hubert Chardot nous dit qu’il y avait carrément un second acte prévu où Carnby fait une mission d’escorte avec Graces mais que finalement ça ne s’est pas fait car le programmeur en charge a quitté le studio pour un boulot à la banque mieux payés… Ça arrive… Et ça montre que le jeu était bien découpé en acte ! Des films qui se veulent cinématographique, le jeu vidéo en sera remplis, de Shenmue, Haevy Rain à Uncharted en passant par des Another World ce qui rend Alone in the Dark 2 plus classique quelque part que le premier Alone beaucoup moins plannifié où il pouvait y avoir des réunions très tard de style "A quoi pourrait bien servir cette salle". Des salles sont d'ailleurs inutile dans Alone in the Dark 2 comme les salles de bains et l'équipe n'ont pas eu l'air d'avoir envie de les remplir à tout prix.

N'empêche que cette idée que le jeu est en fait un grand film explique tout. Les puzzles ne sont pas des puzzles dans la tête des développeurs : Ce sont des scènes de films ! C'est pour ça qu'il y a autant d'intéractions spécifiques uniques à certains persos, une grenade qu'on ne peut balancer qu'à un endroit précis et pas autrement, qu'on a un sac en papier qu'on peut gonfler et éclater pour faire peur au seul personnage endormi du jeu sans que ça ne marche avec n'importe qui d'autres... Tout est scripté !
Cela fait sens dans les point & click dont s'inspirait déjà le premier Alone mais semble un peu s'opposer aux racines systémiques du jeu, le fait qu'on pouvait lancer quasi tous les objets dans le premier pour faire mal, le fait que les ennemis puissent se taper entre eux, l'épée qui se cassait au bout de quelques coups là où dans Alone 2 le sabre se casse après l'avoir utilisé à un endroit précis... Tout ça fait sens quand on comprend qu'on est censé être dans un film ! Et si j'ai vu personne pousser la réflexion aussi loin, l'aspects cinématographique de l'époque n'avaient pas échappé aux articles de l'époque lors de sa sortie en 1993. Un prémise finalement plutôt impressionnant quand on voit que le jeu est sorti au côté du boom du jeu de baston, avant Sonic 3 et Donkey Kong Country et que les premières consoles 3D étaient encore à venir ! D'ailleurs à l'époque, c'était beaucoup le FMV que l'on voyait comme le futur du jeu vidéo avec des jeux comme myst ou 7th Guest...

Le jeu est globalement assez linéaire comparé au premier même si certains actes sont plus ouvert que d'autres.
Cela permet de faire des séquences plus épiques voir même d'authentique cinématiques dessinés à la main. Ouah !


8 mois pour un jeu

Ce fut chaud, et le jeu a bien failli être coupé en deux pour vendre deux fois plus ( une idée de Bruno Bonnel instantanément refusée par toute l'équipe... ) mais finalement le pari fut réussi : Alone in the Dark 2 se vendit très bien ce noel 1993. Le jeu était encore suffisamment frais et novateur en ce temps pour que l'absence d'innovation ne gêne pas grand monde... La 3D était encore rare même si la 3DO venait alors juste de sortir ! D'ailleurs à l'époque, c'était beaucoup le FMV que l'on voyait comme le futur du jeu vidéo avec des jeux comme Myst ou 7th Guest... Comparé à ça, Alone 2 parait limite précurseur ! Les critiques sur le moment seront donc plutôt positives et je n'ai pas vraiment trouvé d'article de 1993 trouvant que le jeu surfait trop sur le premier... C'est des choses qui sont beaucoup venu après coup, possiblement après le lancement de Little Big Adventure l'année suivante qui sait. En vrai, on ne peut pas dire que l’équipe se soit tourné les pouces durant ces 9 mois de développement avec deux personnages jouables très distincts, un grand nombre de lieux avec des backgrounds 2D pouvant être animés, un rendu pour le moteur 3D clairement plus performant permettant de nombreux personnages à l’écran et des niveaux plus grand. Même Carnby a été entièrement refait au point où je ne le reconnais presque pas !

Aujourd'hui, Alone in the Dark 2 a une plutôt mauvaise réputation mais à l'époque ? Et bien regardez donc avec ces deux magasines de Generation IV.
Certes le 1 a eu 97% mais 92% reste très bon pour Alone 2 ! D'ailleurs dans ce même magasine, Alone 1 version CD sera noté seulement 83% ! Le temps passait si vite...


On avait décrit au début une équipe très enthousiaste à l'idée de faire suite à un jeu aussi influent que le premier Alone in the Dark mais beaucoup sont parti après son développement... Déjà Franck de Girolami et on comprend bien pourquoi, lui à qui on avait demandé si il avait vraiment besoin d'être payé et qui a dû faire le petit jeu Jack in the Dark à l'arrache au dernier moment... Du coup quand il a pu se tirer aux Etats Unis chez Xatrix Entertainment ( (mé)connu pour les séries Cyberia et Redneck Rampage ), il l'a immédiatement fait ! Beaucoup de l'excellente team artistique quitta également le navire pour former un studio "Étranges Libellules" qui aidera un grand nombre de projets français.. Dont Little Big Adventure et Alone in the Dark 3 d'ailleurs ! Pourquoi un studio à part ? Sans doute car le status de freelance permettait un peu trop d'abuser d'eux, ils disent en interview que s'assembler ensemble "les rendait plus fort" sans préciser comment mais il est facile de l'imaginer. A nouveau, la gestion de l'équipe de Bruno Bonnel lui aura couter ses employés... Et on verra que cela n'ira pas en s'arrangeant !

En tout cas, j’ai totalement changé d’avis concernant Alone in the Dark 2. La perte de l’atmosphère Lovecraftienne est vraiment dommage et je comprends le regret d’avoir un jeu qui parait aussi.. Bulresque en comparaison mais cela fait son charme… Vous ne verrez pas beaucoup de survival horror à écran fixe où on se bat contre des pirates zombie croyez moi ! Et j'aime tellement les décors en pixels de la plupart des environnements que je me surprend à m'arrêter pour les contempler avec leurs petites animations genre avec une areignées ou un serpent qui passe. L'OST du jeu est aussi remplie de surprises : les mélodies qui accompagnent l’exploration commencent avec une tension assez remarquable bien sûr, mais d’autres soulignent un peu plus le fantastique de l’univers visité. Mieux ! On trouve carrément des musiques de pirates joyeuses accompagnant la petite Graces et comment en vouloir à nos ennemis lorsqu’ils festoient aussi joyeusement à notre exécution sur cette danse ? Je veux les rejoindre ! Hélas, il s’agira de la seule bande son de jeu vidéo que produira ce Jean-Luc Escalant…

C'est assez amusant comme les ennemis du jeu sont représenté comme une mafia très sérieuse au début te poursuivant en faisant "Hi Guy !"
Mais à la fin ? On les voit sur leurs bateaux boire, danser, faire la fête, être heureux, limite on veut les rejoindre !


Malgré mon enthousiasme, vous aurez compris que le jeu n’est pas sans défaut. Et nous aurons tout le loisir d'explorer comme ses défauts ont mal vielli à travers le temps en regardant les portages qui ont été fait du jeu durant les années suivantes !

Une réputation qui coule au fil du temps.

Fin 1993 la réputation du jeu était plutôt bonne, les journaux disent que les contrôles peuvent être difficiles mais qu'il est possible de s'y habituer par exemple. La version CD sort d'ailleurs un peu plus tard en 1994 proposant à la fois le Jack in the Dark précédemment mentionné et le premier Alone in the Dark sans compter des voix et des musiques remixés... Bon deal ! 1994 c'est aussi l'année où le jeu sort assez tôt sur console japonaise ( que les développeurs d'Infogrames semblent appeler "versions coréennes" d'ailleurs... ) PC 98 et FM Towns.
La version PC-98 n'a plus de versions avec des backgrounds en 256 couleurs même si les musiques restent d'une qualité musicale assez pauvre ce qui est un peu triste quand on connait les excellentes mélodies qui ont pu être produites sur cette machine. Moins pardonnable, beaucoup de bruitages n'ont pas été transposés sur la machine de NEC notamment le bruitage de quand on réussit à faire mal à un ennemi ce qui est toujours très agréable à entendre ! Avec ça, sur mon émulateur ça ramait BEAUCOUP PLUS que le premier épisode ce qui ne veut certes pas dire grand chose vu qu'il existe un grand nombre de modèles de PC 98 mais ça m'a rappelé la vitesse avec laquelle je jouais à l'époque tout petit devant mon Macintosh... C'était plus proche de ça effectivement ! Par contre cette version PC98 semble tout de même "oublier" des inputs lorsque ça rame trop ce qui fait que je vise toujours à côté. Oui ! C'est SUPER dur !

Cela dit, un phénomène très étrange se produit, c'est que les ennemis AUSSI du coup visent soudainement extrêmement mal à moins que ce soit le manque de framerate qui m'ait fait remarquer des choses qui ont toujours été là... Un autre truc c'est que, peut être conscient que le PC 98 était pas à la hauteur pour représenter autant de personnages en même temps, les Japonais ont ajouté un certain nombre d'options permettant de DRASTIQUEMENT baisser la difficulté du jeu. Ainsi malgré l'extrême difficulté de l'ensemble il m'a été relativement simple de triompher du labyrinthe puisque je commence avec 150 points de vie, chaque fiole m'en fait récupérer facile 80 et que prendre un coup ne m'en fait perdre que 2 minuscules, c'est abusé !
La version FM Towns a clairement la même base avec des sliders de difficulté mais l'ordinateur y est plus puissant permet un bien meilleur framerate et de bien meilleurs bruitages et musiques ! On se retrouve donc et pour la première fois avec des voix entièrement japonaises ! Ca fait bizarre à entendre un type de voix que j'associe aux animes dans un jeu français qui fait partie de ma petite enfance, comme deux mondes qui se mélangent... Mais ils s'accordent très bien notamment dans leur côté très théâtral !

Les versions PC98/FMTowns peuvent drastiquement réduire la difficulté des combats, ont des voix japonaises très classes et les ennemis semblent très mal tirer lorsque le jeu rame.
... Par contre je ne m'explique pas pourquoi sur ces deux versions il n'y a plus la main du clown sur la fenêtre... Pourquoi ?



Le FM Towns d'aussi loin que je peux voir semble être une version PC-98 plus stable avec qui il partage son son menu de difficulté ! Difficile de savoir quelle fut la réception de ces jeux mais nous étions alors en décembre 1994, un an après la sortie du jeu originel sur PC et le jeu avait des arguments notamment dans sa mise en scène à opposer à des jeux comme System Shock ou Doom. J'imagine donc qu'il a été relativement bien reçu.... Les choses se gâtent pour les versions consoles, avec respectivement sur 3DO en novembre 1995, et sur Saturn et PSX à peu près au printemps 1996 en fonction des régions ce qui le fait sortir au même moment qu'un certain Resident Evil qui l'explosa complètement.  Nous verrons en quoi après.

Déjà la version 3DO a toujours cette résolution d'écran que je trouve très élégante mais rame beaucoup plus que le jeu originel en raison d'un bien plus grand nombre d'acteurs en même temps ! C'est sans doute pour ça que le pont du bateau dans la phase finale a moins de personnages que les autres versions... La 3DO doit en baver ! On dirait que ces gardes se coincent dans les coins en plus, ce qui rend l'infiltration avec Graces d'autant plus aléatoire et pénible ! Oui j'avoue je me suis chauffé pour cette version et je suis vraiment allé à nouveau jusqu'à la fin avec elle mais le fait que ça rame beaucoup plus que sur DOS rend les phases d'action extrêmement confuses, surtout au début ! Soyons honnête peu de gens ont dû passer cette intro à l'époque !... D'autant que, peut être pour compenser les ennemis en moins, le jeu a un équilibrage BEAUCOUP PLUS difficile, le jeu est SUPER dur, les coups font bien plus mal que sur DOS, les fioles ramènent peu de vie, et les ennemis visent juste, c'est EXTRÊMEMENT difficile de survivre, le jeu est SUPER dur. Et c'est quelqu'un qui connait le jeu par cœur qui vous dit ça ! Genre j'utilise tous les moyens de truander comme mettre les ennemis en ligne pour qu'ils se tirent dessus ou faire des embuscades... Cela dit, on apprécie l'ajout d'un bouton permettant de courir immédiatement (jusque là il fallait "double taper" le bouton "avancer"), le fait que les musiques soient de qualité CD et les voix françaises très chouettes même si je trouve celle de Carnby pas ouf malheureusement... Heureusement qu'on l'entend peu ! Enfin, les trois versions consoles partagent d'avoir des tailles de sauvegardes ABSURDE ce qui peut à la rigueur passer sur ordinateur mais est très problématique sur console. Je me souviens que la version PSX me bouffait une carte mémoire entière à elle toute seule !

Les versions consoles partagent un certain nombres de caractéristiques comme la sauvegarde trop lourde ou cette étrange cinématique lorsqu'on tombe dans la caverne.
Ma préféré c'est la version 3DO mais elle lutte pour afficher beaucoup d'acteurs... Les devs ont donc viré certains ennemis et rendu les autres plus durs pour compenser !



De toute façon la version Saturn et PSX partent tout deux de la version 3DO... Comment on le sait ? Car il y a une dalle étrange rajoutée dans les 3 versions consoles sur le côté gauche du manoir et qui permet, si on utilise l'action "pousser" à cet endroit, de sauter une bonne partie du jeu pour se retrouver dans la caverne après le labyrinthe. Un truc qui a certainement été créé pour que les testeurs puissent avancer plus vite dans le jeu et n'a pas été supprimé dans le jeu final. Les trois versions ont également deux cinématiques rajoutées SUPER bizarre. Elles sont généralement à la première personne et on y voit Carnby... Tomber, profondément, dans un trou qui semble infini avec des bouts de bois, des chauve souris, un petit passage dans l'eau et même un dinosaure aquatique qui manque de nous mordre ! Tout cela fait très "montagne russe" avec un travail sur les textures très "cinématiques Playstation" qui est très différent du reste du jeu dont il ne semble de toute façon pas vraiment partager l'univers. Je pense qu'elles ont surtout été faites pour les trailers de l'époque... Nous avons en effet assez peu d'infos sur le contexte de développement de ces versions consoles mais il est probable que se sentant dépassé, ils aient souhaité donner un petit coup de jeune au jeu originel... Ce qui explique la plus grande résolution d'écran sur Saturn et PSX par rapport à la version 3DO et pourquoi tous les personnages ont été remplacés par des modèles avec de vraies textures sur le corps !

Ca, lorsqu'on est habitué à la version ordinateur, ça fait SUPER bizarre d'avoir autant de détails de visages tout à fait inexpressifs sur des modèles 3D qu'on connaît si bien ! J'ai eu du mal à apprécier l'initiative mais si ça peut à la rigueur fonctionner sur la plupart des personnages, cette malheureuse Grace a pris cher et est devenue une créature de cauchemar ! Plus spécifique à la version Saturn, les musiques semblent utiliser le processeur sonore interne au lieu de la qualité CD de la 3DO mais sonnent tout de même mieux à mon goût que celles du PC 98. Le jeu tourne également plus rapidement que sur 3DO de façon générale ce qui est appréciable mais permet de mieux remarquer comme les temps de chargement entre les tableaux se sont rallongés... Rien de grave heureusement !

A gauche la version Saturn qui a refait tous les personnages, à droite la version PSX qui leur rajoute carrément un éclairage et des textures plus détaillé.
Cette dernière serait l'ultime version si les chargements entre les écrans étaient pas si long. Ca la rend désagréable à jouer au possible...



Enfin, on en arrive à la version PSX qui, elle, possède non seulement les musiques de qualité CD mais des textures encore plus détaillées pour les différents personnages ! Cela pourrait être la version ultime du jeu ! Hélas, les temps de chargement entre les écrans est devenu INSUPPORTABLE et certains montrent même carrément un écran de transition tellement c'est long ! Cela rend le jeu encore plus injouable alors qu'il est en face du bien plus fluide Resident Evil ! Et c'est cela, surtout, qui entachera à jamais la réputation d'Alone in the Dark... Un portage aux décisions douteuses ( on aurait pu abandonner les musiques CDs... ) d'un jeu de 1993 devant un jeu de 1996, 3 ans plus tard qui a été pensé pour la console. Le malheureux Alone 2 n'avait aucune chance ! Cela dit, je ne pense pas que ce soit la seule explication : le Game Design d'Alone in the Dark est bien plus complexe que celui de Resident Evil avec son système d'inventaire cohérent, qui ressemble à celui d'un immersive sim à la Ultima Underworld dans lequel on peut déposer les objets par terre si on le souhaite, les ennemis ne sont pas limités à leurs salles et peuvent librement traverser un espace bien plus grand même s'il il n'est pas rendu en 3D là où Resident Evil n'a pas de problème à ouvrir lentement ses portes pour accéder à une nouvelle salle et à bloquer ses ennemis à l'intérieur sans qu'ils puissent en sortir ! Sur bien des points, Resident Evil régresse comparé à Alone in the Dark !

Mais la vérité, c'est que souvent tous ces avantages plombent davantage l'action d'Alone in the Dark qu'ils ne la servent. Les objets par exemple encombrent l'inventaire et les actions possibles rendent certains puzzles extrêmement difficiles à trouver. De l'autre coté, Resident Evil est beaucoup plus "sage" dans ce qu'il propose, ses puzzles à base d'objets sont plus simples, on ne peut pas les poser par terre n'importe où, les combats ne peuvent pas être évités autrement que par la fuite et l'action est plus clean avec carrément une visée automatique lorsqu'on braque notre arme et peu de combats au corps à corps... Au contraire même, c'est les zombies qui sont puissants au corps à corps avec une choppe issue des jeux de baston et il est dans notre intérêt de les maintenir à distance... L'inverse d'Alone 2 où être prêt d'un ennmi donne un cas un peu aléatoire où la balle peut ne pas nous atteindre... On sent que le Game Design n'a pas été pensé. Bref, Resident Evil fait moins de chose, mais il le fait avec plus d'intelligence, une bien meilleure gestion de la difficulté et plus de contenu en le rendant bien plus long...

Le modèle des versions PSX / Saturn le plus raté c'est sans doute celui de Graces... Il est horrible, elle dont le sourire était si réussi dans l'intro originelle...
Mais ne leur en voulons pas, les Alones sont fondamentalement des jeux sur ordinateurs, et la version Macintosh est identique au DOS... Mais 2 ans après.


La version Macintosh sortie aussi en 1996 ce qui en fait le portage sur ordinateur le plus tardif... Forcément, cette version n'a rien à se reprocher et ne fait aucune concession sur la version CD sur DOS mais ne présente pas non plus de particularité unique... C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai préféré faire la version DOS de GOG au lieu de continuer à m'arracher les cheveux sur pourquoi je n'arrivais pas à l'installer sur émulateur MAC, je ne rattais rien ! A ce stade, il serait commun de dire que le monde entier était passé à autre chose... Mais c'est oublier à quel point les choses allaient vite en ce temps et que beaucoup de gens découvraient les choses à rebours... Notamment moi, Haganeren, qui a découvert le jeu dans un CD gratuit offert par un magazine MAC, lui et tous les autres de la série et qui l'a profondément aimé.

Un pavillon hissé dans la dérive

Alone in the Dark 2, malgré ses critiques, a gardé beaucoup de la philosophie du premier opus et c'est ce qui le rend si particulier. Un mélange improbable entre jeu d'action, de puzzle et de simulation immersive. Il abandonne complètement le ton du premier qui permettait d'éviter beaucoup de problèmes et à la place, rajoute une envie très forte d'être un véritable film ! Avec une histoire séparée en plusieurs actes quitte à ce que cette liberté empêche de nombreux joueurs de progresser à cause des puzzles ( le standard téléphonique d'Infogrames était bourré d'appels ! ) et que la scène d'intro explosive si commune dans les blockbusters hollywoodiens devienne un passage insupportable pour bien des joueurs. Il propose des décors en pixel art qui a un charme très fort comparé aux décors en 3D pré rendus qui seront bien plus fréquent par la suite et des modèles de personnages extrêmement basiques mais qui permettent de faire des choses étonnamment complexes… J’en veux pour preuve le petit mouchoir que sort Ted Striker pour s’éponger le front dans l’intro qui fonctionne étonnamment bien ou même le fameux sourire de la petite Graces Sanders qui parvient à montrer une chaleur étonnante vu comme tout est primitif.

Rendez vous au prochain Alone.


Hélas, le temps continue à passer imperturbablement et on voit ici comment à peine 3 ans peut transformer une suite bien reçue d'un classique à succès à un mauvais jeu éculé... Alone in the Dark 3 sortira lui en fin 1994... Quel sera son chemin ?

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Alone in the Dark 2 : Le pariah

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A propos de Alone in the Dark 2 (Survival horror) sortis en 1993 sur PC

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