Quintet....
Depuis le dossier Ys, je me suis souvent demandé ce qui avait pu arriver à cette équipe qui a bercé mon enfance et qui continue à me hanter aujourd'hui. Tomoyoshi Miyazaki et Masaya Hashimoto ont en effet quitté Falcom après avoir créé les Aztekas et surtout Ys 1 à 3 et semblaient mécontents de la politique de Falcom privilégiant les micro ordinateurs. Peut être d’ailleurs que le fait d’avoir transformé leur jeu d’action aventure en Ys contre leur avis, les ont poussé à prendre cette décision… Toujours est il que Quintet fait partie des grands noms de la Super Nintendo avec comme jeu le plus connu ActRaiser ce mélange de gestion et d'action/plateforme. Bien sûr, ils ont aussi produit une trilogie de jeux d’action / Aventure qui a constitué le premier dossier de l’histoire de Lost Town écrit alors par Weldar.. Un dossier que je compléterai bien un jour par des anecdotes historiques par ailleurs.
Toujours est-il qu’après cette époque bénie, la transition à la 3D fut particulièrement difficile. Certes, Grandsteam Saga en 1997 n’était pas considéré comme un échec à l’époque mais il est difficile de revenir dessus aujourd’hui avec son système de combat bizarre. Solo Crisis serait une sorte de suite d’Act Raiser commencé comme un remake d’ailleurs mais il semble bien plus complexe à manipuler et manque les phases de plateforme le rendant plus accessible.
J’ai récemment vu un autre jeu : Brightis sorti en 1999 sur Playstation qui semble plus proche du gameplay des jeux Quintet d'antan mais son atmosphère et son histoire ne semble pas bien intéressante…. On est loin de l'atmosphère qui m’avait tant passionné chez Quintet… Et pour cause, Tomoyoshi Miyazaki cette année-là était sur un autre projet : Planet Laika.
Ce qu’il faut d’abord savoir sur Planet Laika c’est qu’il s’agit d’une collaboration avec le studio Zeque, connu pour son succès d'estime : “Kowloon's Gate”. Je ferais certainement une review dessus et je reviendrais plus en détail sur l’histoire de ce studio assez peu connu par chez nous.. Le créateur Nakaji Kimura semble en être le membre proéminent répondant à des interview sur ce jeu bien des années après l’avoir sorti prouvant à quel point ce titre a été un titre culte au Japon… Il dirigera ainsi Planet Laika là où Tomoyoshi Miyazaki s’occupera du “Game Design”... Comme nous le verrons par la suite, il sera difficile de savoir quels éléments viennent de qui mais cette collaboration donnera naissance à une expérience… Plus que curieuse.
J’aurais aimé donner tout un tas d’interview mais ces informations sont dans des magazines japonais de l’époque dont on peut encore trouver les références mais certainement pas des scans. Les Japonais sur les forums décrivent l’expérience comme “traumatisante” surtout ceux qui l’avaient quand ils étaient petits et la plupart avoue n’avoir pas compris grand chose mais au moins, l’atmosphère était bien !
Nakaji Kimura de Zeque (à gauche) est certainement celui qui a fait la majorité du scénario mais je ne serais pas étonné que Tomoyoshi Miyazaki (à droite) de Quintet y ait participé.
Visages de Mars
Bref, Planet Laika est donc sorti en 1999 sur Playstation. Vous n’en avez probablement jamais entendu parlé et si c’est le cas.. Ben franchement chapeau parce que le jeu n’est sorti qu’au Japon et est parfaitement inconnu même là bas. Le jeu commence simplement par une expédition spatiale. Dans cet univers, les humains ont rencontré les Martiens et leur ont donné leur visage en signe d’amitié (quoique ça veuille dire), cela a eu pour conséquence désastreuse de modifier le visage de toute l’humanité pour une tête de chien et de détruire la civilisation martienne déjà en place… Oui… Le moins qu’on puisse dire c’est que le synopsis est intriguant ! Cela s’est produit il y a un petit moment et depuis l’humanité parvient à habiter sur Mars bien que des difficultés semblent se présenter… Et c’est à votre équipage de mener l’enquête. Votre équipe se compose de vous même, héros silencieux dont vous pouvez choisir le nom auquel le jeu ajoutera inexplicablement le suffixe “nofu” ainsi qu’April, navigatrice, Newt le mécanicien et Tatori capitaine de l’opération.
Du coup, des témoins semblent avoir aperçu le visage de Mars s'éclairer ce qui mérite enquête de votre part et... Attendez... Comment ça "le visage de Mars" ? Et bien peut être connaissez vous cette célèbre photographie (réelle hein, pas dans le jeu) du “visage de Mars” datant de 1976 : Une colline dont les ombres semblaient former un visage humain ce qui a défrayé les chroniques de l'époque. En réalité bien sûr, il s’agissait juste d'ombres et l’endroit ne ressemble pas du tout à un visage dans la réalité.
La vraie photo du visage de Mars et c'est exactement vers où on va au début du scénario du jeu !
C’est finalement assez habituel de la part de Nakaji Kimura ou même Tomoyashi Miyazaki de s’inspirer de quelque chose ou d'une légende réelle pour la replacer dans l’ univers du jeu et ici la montagne ressemble bien à une tête humaine…. Par ailleurs “le visage”, “le rapport entre l’ apparence et le soi profond” est l’une des grandes thématiques du jeu. Ainsi, notre équipe est rapidement informée qu’il sévit sur Mars une entité mystérieuse nommée : “Evil Mind”, qui ne cesse de confronter les habitants de la planète à leurs propres faiblesses mentales créant un environnement passablement hostile. La Terre avait déjà envoyé quelqu’un du nom de "Galiléu" mais a perdu contact avec lui après une dernière communication mystérieuse… Ça s'annonce mal.
Et effectivement, alors que l’équipe doit atterrir en plein désert, une tempête de sable ne tarde pas à séparer nos quatre compères qui se perdent alors dans leur propre psyché. C’est basiquement l’idée de Planet Laika la plus compréhensible : Chacun de nos compagnons ont un passé plus ou moins traumatique qu’il faudra alors explorer et dans lequel ils ne sortiront sans doute pas indemne.
Atterrissons dans un autre monde.
Pas net Laika !
Il y a de ces jeux qui ont une véritable “gueule”, immédiatement la tête de la fusée a un design limite “jouet” très fort, les arrière-plans à la faible résolution rendus en 3D balbutiante typique de l’époque Playstation donnent une ambiance crasseuse vraiment cool à l’ensemble. Que dire de la modélisation des personnages qui semble en tout point dérangeante sans compter évidemment l’histoire parfaitement abracadabrante que l’on nous raconte.
A certains moments clé, dans la plus pure tradition de la Playstation, le jeu proposera même des scènes cinématiques pas trop mal réalisées et les rares moments en 3D temps réel ont également une direction artistique assez mémorable. En clair, graphiquement le jeu n’a clairement pas le budget d’un Square Enix ou d’un Capcom mais il fait superbement bien son travail. C’est malheureusement moins le cas de son OST généralement très simpliste et répétitive voir inexistante qui, si elle avait été plus osée, aurait certainement rendu le jeu bien plus populaire sur le net à la manière d’un Baroque… Dommage.
Le héros muet, Tatori le capitaine; Newt le mécanicien et April la navigatrice.
Les 4 personnages de notre expédition n'étaient manifestement pas prêt pour affronter Mars
De loin le jeu ressemble à une sorte de RPG Japonais avec son inventaire, ses contrôles et ses PNJs mais il s’agit en réalité plus ou moins d’un jeu d’aventure voir un Visual Novel glorifié. On ira d’évènements en évènement avec les occasionnelles discussions de PNJ entre. Le jeu a un système un peu particulier qui pourrait porter à croire qu’il est possible de prendre des décisions. En effet on apprendra rapidement que pas moins de trois personnalités habitent notre héros,
Le représentant rouge “physique” Ernesto, la représentante verte “psychique / psycho” Yoranda et le représentant bleu “animal” Spencer. Il est possible d'incarner chacun d'entre eux à travers un processus un poil difficile à expliquer. En fait certains PNJs dégagent un "mal" coloré que l'on voit sous la forme d'une sorte de nuage lorsqu'on s'approche d'eux. Leur parler infecte notre héros et remplit sa jauge de personnalité de cette même couleur. On voit la jauge de personnalité dans le menu pause mais aussi sur le portrait en bas à gauche de l'écran qui deviendra aussi de plus en plus proche d'une certaine couleur. Théoriquement si on remplit trop une jauge on peut en mourir même si cela ne m’est jamais arrivé… Car avant que cela arrive, le portrait de l'interface se mettra à changer pour représenter l'une des trois personnalités. A ce moment, la personnalité dominante est prête à émerger ! Il suffit d'aller vers un miroir pour vous regarder et changer votre personnalité !
On peut changer de personnage à volonté tant que l'on a accès au miroir situé en dehors de la ville.
Les personnages n'ont pas de vraiment de capacités à eux mais leur personnalité leurs donnent accès à la suite du scénario.
Tout cela a un grand impact sur l’histoire puisque chacune de ces personnalités est son propre personnage, Ernesto est un peu brute mais a bien sûr un cœur sensible, Spencer est très analytique et Yoranda n’a pas sa langue dans sa poche ce qui fait du bien comparé à notre héros habituel parfaitement silencieux… Après, on est en droit de se demander ce que fout ces personnalités dans la tête du personnage…
Le jeu va souvent faire ça : Vous mettre devant le fait accompli et laisser au joueur le soin de décider s' il y a un mystère ou s' il a juste rien compris et l’air de rien ça a un certain impact sur l’atmosphère du jeu… Parce que si nous verrons plus tard les défauts qui émergent de ça, on évite au moins le cliché habituel d’avoir un personnage-fonction qui nous explique tout. Planet Laika conserve son mystère… Peut être un peu trop mais ce n’est pas sans charme.
Enfin mentionnons que l’air de rien le jeu possède bien un système de combat généralement réservé lors de moments clés du jeu. Il s’agira d’une sorte de “mini jeu à la Pong” où une boule qui nous sert de raquette va continuellement de bas en haut ce qui n’empêche pas qu’il faut intercepter tous les tirs venant de la droite avant qu’elles ne passent à gauche et fasse mal à notre personnage… Comme Pong. Au moyen d'un bouton, le joueur peut se décaler vers la droite pour contrôler un minimum l’action et au moyen d'un autre il peut décider de revenir soudainement à gauche d’un coup et honnêtement… C’est un mini jeu étonnamment rigolo bien qu’un peu facile. Une petite distraction idéale pour marquer le coup et justifier son statut de jeu vidéo tout en ne perdant pas ceux qui étaient venu seulement pour l’histoire.
Un combat complet normal "aléatoire" de Planet Laika, je dirige la boule bleu qui va toujours faire ces allers retour de haut en bas.
Je ne peux aussi aller qu'à droite ou revenir tout à gauche. C'est rigolo ! D'autant que les boss ont de bons environnements !
Spoil de surface : Embrouille et Rythme
Et cette histoire, parlons en en spoilant les premières heures si vous ne comptez pas le faire ! Notre personnage atteindra finalement non sans mal la colonie et cherchera à retrouver ses compagnons mais ne réussira qu’avec April. La colonie elle-même est remplie de gens étranges comme cette secte essayant de contacter Vénus, cet engouement pour la chirurgie esthétique ou le bar où un personnage bouledogue décide de vous casser la figure… et là c’est seulement les trucs les plus gros.
On verra ainsi rapidement que la planète Mars n’est pas tendre avec les personnes un peu torturées et donc Newt ayant particulièrement mal vécu le euh… Meurtre commis par sa propre mère se retrouvera maire d’une ville factice de robot dans lequel les maisons sont en contre plaqué. Un moment dérangeant et qui n’est que le début d’une longue suite d'événements tout aussi étranges et parfois inexplicables pour moi alors que j’ai pourtant fini le jeu !
Un monde contre plaqué créé d'un trauma... Voilà des éléments typique de Planet Laika !
Planet Laika est incroyablement alambiqué, il y a un lieu qui change de forme en fonction de la personne qui y habite, un personnage mis en pièces qui ne peut mourir, le monde des rêves où s’est réfugié (ou est prisonnier) un PNJ particulier, notre héros et son histoire sur l’origine de ses différentes personnalités, un gars qui veut tuer des jumeaux, une prophétie où le bien absolu et le mal absolue s’affronte, l’alter égo de quasiment tous les PNJs (déjà bien allumés) du jeu, un pilier du mal, des indiens qui savent comment parler à l’âme et bien bien davantage c’est un bazar MONSTRE tellement grand que j’ai eu beaucoup de mal à me mettre à écrire cette review tant je ne savais pas par quelle bout la prendre ! Et ne croyez pas que c’est parce qu’on lit mal le Japonais, comme dit plus haut : même les natifs reconnaissent qu’ils ont rien pigé à l’histoire !
Mais c’est aussi ça qui fait l’intérêt du jeu, la majorité des personnages semble complètement dingo et je ne peux que compatir avec ces rares Japonais déclarant avoir eu le jeu quand ils étaient petits… Ça devait être perturbant ! Quand le scénario marche, il marche vraiment bien, ainsi toute la trame autour des personnalité du héros est vraiment bien foutue et a une résolution assez satisfaisante pour le joueur ! De l’autre, on a pu faire des sessions où il ne se passait pas grand chose voir où on ne savait pas à qui parler et avec quelle personnalité pour faire avancer l’intrigue… Forcément, c’est un peu moins intéressant… Souvent même, on pense savoir ce qu'il faut faire et on se fait interrompre par un autre PNJ qui interviendra pour vous demander de faire quelque chose de totalement différent et ce plusieurs fois de suite... Alors on se dit "et du coup on fait pas ça ?" et effectivement non, ce n'est plus votre objectif... Tout cela donne globalement la sensation de se faire balader par le jeu plus qu'influer sur lui... D'autant que certaines pistes scénaristiques semblent abandonnées comme Kurou qui manifestement parle d’une vieille cuisinière avec des chats morts en nabé, un plat japonais…
D’autres évènements sont hypés pendant tout le jeu comme le monde des rêves et lorsqu’on y est enfin… On a du mal à voir ce que ça apporte à l’histoire globale et ses thématiques...
L'univers va pas hésiter à vous montrer des trucs dérangeant sans rien vous expliquer...
Forcément, ça marque...
Spoil Profond : L’identité et la culpabilité comme centre du jeu
Plongeons plus profondément dans le jeu ce qui, évidemment, signifie de parler de spoiler sur l’intégralité du jeu. Si vous comptez un jour vous mettre au jeu ou mieux, si vous l’avez déjà fait sans rien comprendre, voici ce que j’en pense.
En essayant de dégager des grandes lignes du scénario du jeu, on s’aperçoit que la majorité se connecte à la thématique de l’identité. Au Japon il y a ces deux concepts le “Tatamae” と建前 ( “la construction devant” ) et le “Honne” 本音 ( “vrai son” ) qui se rapporte particulièrement bien au jeu. Ainsi, les nombreux rapports au visage seront à propos de ce premier concept et les personnalités multiples au second. D’ailleurs, des concepts chinois équivalents existent ce qui n’est pas étonnant en tant que “”suite”” de Kowloon's Gate. Dans le jeu le visage représente une certaine forme d’individualité comme le montre l’histoire des habitants de Mars. Ce peuple était à la base plus proche d’avoir un esprit de “ruche” sans individualité. L’action d’en vouloir soudainement a totalement détruit leur civilisation comme si l’individualisme était une sorte de maladie pour eux. Ils en seraient ainsi devenus fous et ont façonné ce visage humain sur la planète avant de disparaître.
Il y a d’ailleurs un vrai parallèle à faire entre la colonisation de Mars et la vraie histoire de la colonisation de l’Amérique ou de l’Australie. Comme l'Australie, les premiers colons sont des exilés ou des criminels qui arrivent dans une terre à la nature hostile. Comme l’Amérique, les colons ont exterminé ceux qui habitaient déjà sur place au moyen d’un geste qui paraissait pourtant amical : Des visages pour les martiens, des couvertures pour les indiens malheureusement contaminées par des maladies inoffensives pour les colons mais mortelles pour ces populations.
La colonie est le centre du jeu, séparée entre la "secte" ufologue tentant de contacter les Vénusiens, les bars mal famés, le salon de chirurgie esthétique et bien d'autres endroits...
Plus curieux, on a pu voir que cela a eu pour conséquence la modification durable des visages humains, c’est comme si ce “crime” hantait encore les colons tel les effets du post-colonialisme dans notre monde. Mais dans le jeu, impossible de mettre ça sous le tapis : c’est sur le visage de tous ! Alors une partie de la population se réfugie dans la chirurgie esthétique caractérisée par le personnage de Fei qui en dirige le salon. Elle est extrêmement croyante, pensant que seule cette transformation du visage pourra effacer leurs pêchés et donc les sauver de la destruction imminente du monde… Elle construira d’ailleurs un grand “Miroir du jugement” pour s’assurer que la personne n’ait pas d’impureté. Un autre parallèle étonnant avec le monde Occidental où les colons étaient effectivement souvent très religieux. D’ailleurs, lorsque viendra l’évènement équivalent au Jugement Dernier, la symbolique Chrétienne sera très forte.
C’est une interprétation bien sûr mais devant un jeu comme Planet Laika où la moindre interview est impossible à trouver facilement et qui part à ce point en délire, il n’est pas étonnant que le jeu cache son sens profond au travers d'allégories. D’ailleurs cette interprétation est soutenue par un certain groupe de personnages ressemblant à des aborigènes et où la magie vaudou permet au héros de faire une introspection de soi, élément indispensable de la progression.
Le "miroir des jugements" culpabilise les individus et sa représentation très inspiré par le style Européen n'est sans doute pas un hasard.
De l'autre coté les aborigènes, en marge dans la colonie permettront au joueur de découvrir la vérité sur son propre héros.
A l’inverse, nous avons le cas de Cosmos retenu contre son gré par son oppresseur Red, qui lui a modifié son visage pour qu’il corresponde à ses désirs. Un endoctrinement qui l’a peut être rendu “beau” pour nous mais qui ne le rend pas heureux. Il ne sent plus “lui” et demandera à retrouver son vrai visage "de chien" quoiqu’il représente. Il s’agit de l’une des rares fois dans le jeu où on aura l’impression d’agir positivement sur le monde au lieu de simplement l’observer dérouler sa tragédie ou retarder l’inéluctable d’ailleurs. Le fait d’apprendre plus tard que Red lui-même a été abusé par un parent dans sa jeunesse où il était bien plus beau ne peut que renforcer l’intérêt de cette petite histoire. La victime devenant elle-même agresseur étant un propos tombant étonnamment juste dans un jeu aussi cinglé.
La thématique du visage est très riche mais le jeu parle cependant bien davantage du soi intérieur, première cible “d’Evil Mind”, qui saura rappeler à Newt ses traumatismes d’enfance, à Tatori sa propre fille et même la solide April semble être perturbé par l’atmosphère de cette planète. Étrangement, notre personnage semble ne pas avoir de problème… Et pour cause, il n’est pas muet pour répondre à ce vieux cliché de jeu vidéo mais bien parce qu’il est une coquille vide, traumatisée au point de ne même plus avoir de cœur. A la place, il a trois personnalités qui semblent pourtant étonnamment humaines. Arnesto parle même d’une petite sœur à protéger ! En réalité, chacune de ces personnalités ont un rôle précis au sein du cœur du protagoniste et pour le savoir il faudra faire une introspection interne au moyen du rituel vaudou précédemment mentionné….
Dans Planet Laika, être confronté à soi même et nos peurs peut nous changer de façon permanente...
Enfin, après avoir exploré la vie de bien des personnes dérangées au cheminement scénaristique plus ou moins compréhensible on finira par comprendre qu’il faut collectionner les morceaux de la prophétie qui détaille la fin du monde et sa résurrection pour avoir le fond de l’histoire. Ainsi, on mentionne des “jumeaux” annonçant la fin et un personnage prend même cela littéralement en tuant tous les jumeaux qu’il put pour empêcher sa résolution… Malheureusement pour lui, je pense personnellement que par “jumaux” le jeu entendait le dédoublement de personnalité de la plupart des PNJs qui semblent être une règle pour résister à l’atmosphère si hostile de Mars tout en ayant des contradictions.
Je suis moins sûr de mon coup pour ça… D'autant que les jumeaux étaient déjà toute une problématique de "Kowloon's Gate" où on prêtait des pouvoirs magiques à ces êtres puisque deux jumeaux auraient le pouvoir de se retrouver quelque soit la distance qui les sépare... On ne sait pas trop si cette définition s'applique à "Planet Laika" du coup tout n’est pas forcément clair dans mon esprit. En tout cas, il est certain que le tout se termine par la rencontre du bien absolu avec le mal absolu ce qui ressusciterait le monde… Une référence claire au Ying et au Yang mais qui parait tout de même très manichéen dans un jeu qui ne se permettait pas cela jusque là... Une preuve supplémentaire qu'il fait vraiment ce qu'il veut ! Ainsi le chef de la précédente expédition Galileiu ( Galilei ?) se présente comme le grand méchant final et est certain de connaître son identité : Il est le bien absolu et s'évertue d’ailleurs à le prouver en pointant du doigt le fait que les différentes personnalités du héros ont toutes quelque chose à se reprocher. En effet jusque là on ne pouvait que plaindre notre héros qui a perdu sa mère et sa petite soeur encore embryon... Il s’est souvent fait brimer par sa belle famille notamment lors de cette fête de Noël, un symbole chrétien également très présent dans le jeu. Mais voilà, notre héros s'est vengé : Yorenda a empoisonné le beau père, Arnesto a brûlé un bâtiment et Spencer a mis ça sur le dos du beau-frère, trois personnalités endossant trois crimes pour le héros. De victime, il était lui-même devenu oppresseur.
Galiléu était sûr d'avoir le contrôle de la situation rappelant au héros lui même ses propres crimes.
Mais au final, c'est se détacher de cela qui était nécessaire pour remplir le rôle qu'il aurait aimé avoir... Et puis quand on veut être le bien absolu, on fait pas des trucs comme rassembler le mal !
Sauf que voilà, la chance du héros finalement, c’est de s’être détaché de ses crimes en les distribuant à travers ses multiples personnalités. Grâce à cela, il devenait ironiquement le plus à même de représenter le bien absolu. Ce n’est pas si idiot, les deux créateurs Kimura et Miyazaki étant tout deux assez empreint de la culture bouddhiste ne pouvaient que connaitre son concept du “détachement de soi” afin d’atteindre l’illumination.. Et quoi de mieux qu’un self-insert muet de J-RPG pour l’incarner ? A l’inverse, quoi de mieux en tant que “dernier boss” d’un jeu sur l’identité qu’un méchant qui se trompe complètement sur la sienne, ne pouvant croire qu’il représentait le mal absolu depuis le début.
Enfin, alors que la résurrection du monde s’opère, et que j’ai l’impression après moult réflexions d’avoir percé le mystère du scénario de Planet Laika non sans fierté, le jeu nous fait un dernier pied de nez. On remarquera ainsi qu’April semble congelée dans la cinématique de fin sans que la moindre explication ni même réaction soit donnée…. Et je vois VRAIMENT pas pourquoi, désolé, j’ai rien...
Mais pourquoi faire ça Kimura ? Tu l'aimais pas l’héroïne ?
Et j'ai encore l'impression qu'il me manque des pistes.... Pourquoi Noel est aussi proéminent au sein du jeu par exemple ?
Notez que je me suis souvent demandé pendant que je jouais si il y avait des fins alternatives, genre si on parle à tel personnage avec Spencer plutôt qu' Arnesto cela déclencherait des conditions étranges... Ce genre de choses... Et pour aller dans ce sens, certaines scènes semblent effectivement facultatives… Pour autant, personne ne semble vraiment mentionner de fins alternatives et les walkthroughs écrits ou vidéos que j’ai vu semblent toutes arriver à la même conclusion. Mais le jeu est tellement mystérieux et peu connu que quelques autres secrets ne m'étonneraient pas.
Fin des spoilers, retour sur Terre
Revenir de Planet Laika c’est revenir d’un long délire inoubliable bien que non sans défauts. Si vous avez supporté la lecture du paragraphe précédent, vous avez une idée de la folie du jeu bien que j’ai éludé bien des arcs narratifs pour ne mentionner que ceux sur lequel je pouvais mettre du sens. En cela mes interprétations sont sans doute incomplète ( voir complètement fausses ) mais elles nous suffiront puisque l'aura de mystère et d'inconnu fait également parti de l'expérience ! Si vous lisez le Japonais, il ne vous prendra qu’une dizaine d’heure grand maximum. Moi, avec une connaissance me traduisant le tout et vérifiant chaque mot cela m’en a pris plutôt une trentaine. J'en profite pour rajouter cette petite ligne en février 2022 car contre toutes attentes, le jeu a été fan traduit il y a quelques jours et je n'ose y croire ! Peut être le recommencerais-je un jour pour voir si j'ai bien tout compris maintenant que je peux lire les paroles... Peut être...
Un jeu dont la signification est en pièce et ça peut être assez écrasant lorsqu'on joue.
Mais avec du recul, c'est amusant de mettre de l'ordre dans tout ça.
En tout cas, c'est ici que m'a mené ma recherche du dernier jeu cool de Quintet. Comme je le disais plus tôt cependant, il est difficile de savoir ce qu’a fait mon studio fétiche et ce qui est de l'ordre de Zeque ! Ainsi, même si le scénario est accrédité à Nakaji Kimura, je ne peux m’empêcher de penser que Miyazaki y a aussi apporté sa pierre… Et sans doute plein d’autres gens de l’équipe ce qui a donné ce florilège d’idées très intéressantes mais parfois indigestes. Ainsi, on pourra attribuer au créateur de Kowloon's Gate cette idée que chaque personne a un endroit et un envers façon Ying/Yang, cette fascination pour les jumeaux, un personnage un peu caméo et la philosophie Taoiste de manière générale. A l'inverse, toute cette histoire de prophétie qui semble être le premier pas vers la résurrection du monde est tellement dans les thématiques habituelles de Tomoyashi Miyazaki que je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il a largement participé ! C’est bien trop lui !
Mais comme souligné dans mon dossier Ys, Miyazaki ne sera plus là pour nous le confirmer et Kimura lui-même ne parlera plus que de Planet Laika dans la suite de sa carrière contrairement à Kowloon's Gate qui continue à passionner. Planet Laika est le genre de jeu échoué sur le coin d’une plage vidéoludique et qui serait sans doute oublié de tous si il n’était pas relié à des jeux plus connus. En cela, il est passionnant d’en parler.
Depuis le dossier Ys, je me suis souvent demandé ce qui avait pu arriver à cette équipe qui a bercé mon enfance et qui continue à me hanter aujourd'hui. Tomoyoshi Miyazaki et Masaya Hashimoto ont en effet quitté Falcom après avoir créé les Aztekas et surtout Ys 1 à 3 et semblaient mécontents de la politique de Falcom privilégiant les micro ordinateurs. Peut être d’ailleurs que le fait d’avoir transformé leur jeu d’action aventure en Ys contre leur avis, les ont poussé à prendre cette décision… Toujours est il que Quintet fait partie des grands noms de la Super Nintendo avec comme jeu le plus connu ActRaiser ce mélange de gestion et d'action/plateforme. Bien sûr, ils ont aussi produit une trilogie de jeux d’action / Aventure qui a constitué le premier dossier de l’histoire de Lost Town écrit alors par Weldar.. Un dossier que je compléterai bien un jour par des anecdotes historiques par ailleurs.
Toujours est-il qu’après cette époque bénie, la transition à la 3D fut particulièrement difficile. Certes, Grandsteam Saga en 1997 n’était pas considéré comme un échec à l’époque mais il est difficile de revenir dessus aujourd’hui avec son système de combat bizarre. Solo Crisis serait une sorte de suite d’Act Raiser commencé comme un remake d’ailleurs mais il semble bien plus complexe à manipuler et manque les phases de plateforme le rendant plus accessible.
J’ai récemment vu un autre jeu : Brightis sorti en 1999 sur Playstation qui semble plus proche du gameplay des jeux Quintet d'antan mais son atmosphère et son histoire ne semble pas bien intéressante…. On est loin de l'atmosphère qui m’avait tant passionné chez Quintet… Et pour cause, Tomoyoshi Miyazaki cette année-là était sur un autre projet : Planet Laika.
Planet Laika
Support : PSX
Développeur : Zeque / Quintet
Date de sortie : 1999
Genre : Aventure
Support : PSX
Développeur : Zeque / Quintet
Date de sortie : 1999
Genre : Aventure
Ce qu’il faut d’abord savoir sur Planet Laika c’est qu’il s’agit d’une collaboration avec le studio Zeque, connu pour son succès d'estime : “Kowloon's Gate”. Je ferais certainement une review dessus et je reviendrais plus en détail sur l’histoire de ce studio assez peu connu par chez nous.. Le créateur Nakaji Kimura semble en être le membre proéminent répondant à des interview sur ce jeu bien des années après l’avoir sorti prouvant à quel point ce titre a été un titre culte au Japon… Il dirigera ainsi Planet Laika là où Tomoyoshi Miyazaki s’occupera du “Game Design”... Comme nous le verrons par la suite, il sera difficile de savoir quels éléments viennent de qui mais cette collaboration donnera naissance à une expérience… Plus que curieuse.
J’aurais aimé donner tout un tas d’interview mais ces informations sont dans des magazines japonais de l’époque dont on peut encore trouver les références mais certainement pas des scans. Les Japonais sur les forums décrivent l’expérience comme “traumatisante” surtout ceux qui l’avaient quand ils étaient petits et la plupart avoue n’avoir pas compris grand chose mais au moins, l’atmosphère était bien !
Nakaji Kimura de Zeque (à gauche) est certainement celui qui a fait la majorité du scénario mais je ne serais pas étonné que Tomoyoshi Miyazaki (à droite) de Quintet y ait participé.
Visages de Mars
Bref, Planet Laika est donc sorti en 1999 sur Playstation. Vous n’en avez probablement jamais entendu parlé et si c’est le cas.. Ben franchement chapeau parce que le jeu n’est sorti qu’au Japon et est parfaitement inconnu même là bas. Le jeu commence simplement par une expédition spatiale. Dans cet univers, les humains ont rencontré les Martiens et leur ont donné leur visage en signe d’amitié (quoique ça veuille dire), cela a eu pour conséquence désastreuse de modifier le visage de toute l’humanité pour une tête de chien et de détruire la civilisation martienne déjà en place… Oui… Le moins qu’on puisse dire c’est que le synopsis est intriguant ! Cela s’est produit il y a un petit moment et depuis l’humanité parvient à habiter sur Mars bien que des difficultés semblent se présenter… Et c’est à votre équipage de mener l’enquête. Votre équipe se compose de vous même, héros silencieux dont vous pouvez choisir le nom auquel le jeu ajoutera inexplicablement le suffixe “nofu” ainsi qu’April, navigatrice, Newt le mécanicien et Tatori capitaine de l’opération.
Du coup, des témoins semblent avoir aperçu le visage de Mars s'éclairer ce qui mérite enquête de votre part et... Attendez... Comment ça "le visage de Mars" ? Et bien peut être connaissez vous cette célèbre photographie (réelle hein, pas dans le jeu) du “visage de Mars” datant de 1976 : Une colline dont les ombres semblaient former un visage humain ce qui a défrayé les chroniques de l'époque. En réalité bien sûr, il s’agissait juste d'ombres et l’endroit ne ressemble pas du tout à un visage dans la réalité.
La vraie photo du visage de Mars et c'est exactement vers où on va au début du scénario du jeu !
C’est finalement assez habituel de la part de Nakaji Kimura ou même Tomoyashi Miyazaki de s’inspirer de quelque chose ou d'une légende réelle pour la replacer dans l’ univers du jeu et ici la montagne ressemble bien à une tête humaine…. Par ailleurs “le visage”, “le rapport entre l’ apparence et le soi profond” est l’une des grandes thématiques du jeu. Ainsi, notre équipe est rapidement informée qu’il sévit sur Mars une entité mystérieuse nommée : “Evil Mind”, qui ne cesse de confronter les habitants de la planète à leurs propres faiblesses mentales créant un environnement passablement hostile. La Terre avait déjà envoyé quelqu’un du nom de "Galiléu" mais a perdu contact avec lui après une dernière communication mystérieuse… Ça s'annonce mal.
Et effectivement, alors que l’équipe doit atterrir en plein désert, une tempête de sable ne tarde pas à séparer nos quatre compères qui se perdent alors dans leur propre psyché. C’est basiquement l’idée de Planet Laika la plus compréhensible : Chacun de nos compagnons ont un passé plus ou moins traumatique qu’il faudra alors explorer et dans lequel ils ne sortiront sans doute pas indemne.
Atterrissons dans un autre monde.
Pas net Laika !
Il y a de ces jeux qui ont une véritable “gueule”, immédiatement la tête de la fusée a un design limite “jouet” très fort, les arrière-plans à la faible résolution rendus en 3D balbutiante typique de l’époque Playstation donnent une ambiance crasseuse vraiment cool à l’ensemble. Que dire de la modélisation des personnages qui semble en tout point dérangeante sans compter évidemment l’histoire parfaitement abracadabrante que l’on nous raconte.
A certains moments clé, dans la plus pure tradition de la Playstation, le jeu proposera même des scènes cinématiques pas trop mal réalisées et les rares moments en 3D temps réel ont également une direction artistique assez mémorable. En clair, graphiquement le jeu n’a clairement pas le budget d’un Square Enix ou d’un Capcom mais il fait superbement bien son travail. C’est malheureusement moins le cas de son OST généralement très simpliste et répétitive voir inexistante qui, si elle avait été plus osée, aurait certainement rendu le jeu bien plus populaire sur le net à la manière d’un Baroque… Dommage.
Le héros muet, Tatori le capitaine; Newt le mécanicien et April la navigatrice.
Les 4 personnages de notre expédition n'étaient manifestement pas prêt pour affronter Mars
De loin le jeu ressemble à une sorte de RPG Japonais avec son inventaire, ses contrôles et ses PNJs mais il s’agit en réalité plus ou moins d’un jeu d’aventure voir un Visual Novel glorifié. On ira d’évènements en évènement avec les occasionnelles discussions de PNJ entre. Le jeu a un système un peu particulier qui pourrait porter à croire qu’il est possible de prendre des décisions. En effet on apprendra rapidement que pas moins de trois personnalités habitent notre héros,
Le représentant rouge “physique” Ernesto, la représentante verte “psychique / psycho” Yoranda et le représentant bleu “animal” Spencer. Il est possible d'incarner chacun d'entre eux à travers un processus un poil difficile à expliquer. En fait certains PNJs dégagent un "mal" coloré que l'on voit sous la forme d'une sorte de nuage lorsqu'on s'approche d'eux. Leur parler infecte notre héros et remplit sa jauge de personnalité de cette même couleur. On voit la jauge de personnalité dans le menu pause mais aussi sur le portrait en bas à gauche de l'écran qui deviendra aussi de plus en plus proche d'une certaine couleur. Théoriquement si on remplit trop une jauge on peut en mourir même si cela ne m’est jamais arrivé… Car avant que cela arrive, le portrait de l'interface se mettra à changer pour représenter l'une des trois personnalités. A ce moment, la personnalité dominante est prête à émerger ! Il suffit d'aller vers un miroir pour vous regarder et changer votre personnalité !
On peut changer de personnage à volonté tant que l'on a accès au miroir situé en dehors de la ville.
Les personnages n'ont pas de vraiment de capacités à eux mais leur personnalité leurs donnent accès à la suite du scénario.
Tout cela a un grand impact sur l’histoire puisque chacune de ces personnalités est son propre personnage, Ernesto est un peu brute mais a bien sûr un cœur sensible, Spencer est très analytique et Yoranda n’a pas sa langue dans sa poche ce qui fait du bien comparé à notre héros habituel parfaitement silencieux… Après, on est en droit de se demander ce que fout ces personnalités dans la tête du personnage…
Le jeu va souvent faire ça : Vous mettre devant le fait accompli et laisser au joueur le soin de décider s' il y a un mystère ou s' il a juste rien compris et l’air de rien ça a un certain impact sur l’atmosphère du jeu… Parce que si nous verrons plus tard les défauts qui émergent de ça, on évite au moins le cliché habituel d’avoir un personnage-fonction qui nous explique tout. Planet Laika conserve son mystère… Peut être un peu trop mais ce n’est pas sans charme.
Enfin mentionnons que l’air de rien le jeu possède bien un système de combat généralement réservé lors de moments clés du jeu. Il s’agira d’une sorte de “mini jeu à la Pong” où une boule qui nous sert de raquette va continuellement de bas en haut ce qui n’empêche pas qu’il faut intercepter tous les tirs venant de la droite avant qu’elles ne passent à gauche et fasse mal à notre personnage… Comme Pong. Au moyen d'un bouton, le joueur peut se décaler vers la droite pour contrôler un minimum l’action et au moyen d'un autre il peut décider de revenir soudainement à gauche d’un coup et honnêtement… C’est un mini jeu étonnamment rigolo bien qu’un peu facile. Une petite distraction idéale pour marquer le coup et justifier son statut de jeu vidéo tout en ne perdant pas ceux qui étaient venu seulement pour l’histoire.
Un combat complet normal "aléatoire" de Planet Laika, je dirige la boule bleu qui va toujours faire ces allers retour de haut en bas.
Je ne peux aussi aller qu'à droite ou revenir tout à gauche. C'est rigolo ! D'autant que les boss ont de bons environnements !
Spoil de surface : Embrouille et Rythme
Et cette histoire, parlons en en spoilant les premières heures si vous ne comptez pas le faire ! Notre personnage atteindra finalement non sans mal la colonie et cherchera à retrouver ses compagnons mais ne réussira qu’avec April. La colonie elle-même est remplie de gens étranges comme cette secte essayant de contacter Vénus, cet engouement pour la chirurgie esthétique ou le bar où un personnage bouledogue décide de vous casser la figure… et là c’est seulement les trucs les plus gros.
On verra ainsi rapidement que la planète Mars n’est pas tendre avec les personnes un peu torturées et donc Newt ayant particulièrement mal vécu le euh… Meurtre commis par sa propre mère se retrouvera maire d’une ville factice de robot dans lequel les maisons sont en contre plaqué. Un moment dérangeant et qui n’est que le début d’une longue suite d'événements tout aussi étranges et parfois inexplicables pour moi alors que j’ai pourtant fini le jeu !
Un monde contre plaqué créé d'un trauma... Voilà des éléments typique de Planet Laika !
Planet Laika est incroyablement alambiqué, il y a un lieu qui change de forme en fonction de la personne qui y habite, un personnage mis en pièces qui ne peut mourir, le monde des rêves où s’est réfugié (ou est prisonnier) un PNJ particulier, notre héros et son histoire sur l’origine de ses différentes personnalités, un gars qui veut tuer des jumeaux, une prophétie où le bien absolu et le mal absolue s’affronte, l’alter égo de quasiment tous les PNJs (déjà bien allumés) du jeu, un pilier du mal, des indiens qui savent comment parler à l’âme et bien bien davantage c’est un bazar MONSTRE tellement grand que j’ai eu beaucoup de mal à me mettre à écrire cette review tant je ne savais pas par quelle bout la prendre ! Et ne croyez pas que c’est parce qu’on lit mal le Japonais, comme dit plus haut : même les natifs reconnaissent qu’ils ont rien pigé à l’histoire !
Mais c’est aussi ça qui fait l’intérêt du jeu, la majorité des personnages semble complètement dingo et je ne peux que compatir avec ces rares Japonais déclarant avoir eu le jeu quand ils étaient petits… Ça devait être perturbant ! Quand le scénario marche, il marche vraiment bien, ainsi toute la trame autour des personnalité du héros est vraiment bien foutue et a une résolution assez satisfaisante pour le joueur ! De l’autre, on a pu faire des sessions où il ne se passait pas grand chose voir où on ne savait pas à qui parler et avec quelle personnalité pour faire avancer l’intrigue… Forcément, c’est un peu moins intéressant… Souvent même, on pense savoir ce qu'il faut faire et on se fait interrompre par un autre PNJ qui interviendra pour vous demander de faire quelque chose de totalement différent et ce plusieurs fois de suite... Alors on se dit "et du coup on fait pas ça ?" et effectivement non, ce n'est plus votre objectif... Tout cela donne globalement la sensation de se faire balader par le jeu plus qu'influer sur lui... D'autant que certaines pistes scénaristiques semblent abandonnées comme Kurou qui manifestement parle d’une vieille cuisinière avec des chats morts en nabé, un plat japonais…
D’autres évènements sont hypés pendant tout le jeu comme le monde des rêves et lorsqu’on y est enfin… On a du mal à voir ce que ça apporte à l’histoire globale et ses thématiques...
L'univers va pas hésiter à vous montrer des trucs dérangeant sans rien vous expliquer...
Forcément, ça marque...
Spoil Profond : L’identité et la culpabilité comme centre du jeu
Plongeons plus profondément dans le jeu ce qui, évidemment, signifie de parler de spoiler sur l’intégralité du jeu. Si vous comptez un jour vous mettre au jeu ou mieux, si vous l’avez déjà fait sans rien comprendre, voici ce que j’en pense.
En essayant de dégager des grandes lignes du scénario du jeu, on s’aperçoit que la majorité se connecte à la thématique de l’identité. Au Japon il y a ces deux concepts le “Tatamae” と建前 ( “la construction devant” ) et le “Honne” 本音 ( “vrai son” ) qui se rapporte particulièrement bien au jeu. Ainsi, les nombreux rapports au visage seront à propos de ce premier concept et les personnalités multiples au second. D’ailleurs, des concepts chinois équivalents existent ce qui n’est pas étonnant en tant que “”suite”” de Kowloon's Gate. Dans le jeu le visage représente une certaine forme d’individualité comme le montre l’histoire des habitants de Mars. Ce peuple était à la base plus proche d’avoir un esprit de “ruche” sans individualité. L’action d’en vouloir soudainement a totalement détruit leur civilisation comme si l’individualisme était une sorte de maladie pour eux. Ils en seraient ainsi devenus fous et ont façonné ce visage humain sur la planète avant de disparaître.
Il y a d’ailleurs un vrai parallèle à faire entre la colonisation de Mars et la vraie histoire de la colonisation de l’Amérique ou de l’Australie. Comme l'Australie, les premiers colons sont des exilés ou des criminels qui arrivent dans une terre à la nature hostile. Comme l’Amérique, les colons ont exterminé ceux qui habitaient déjà sur place au moyen d’un geste qui paraissait pourtant amical : Des visages pour les martiens, des couvertures pour les indiens malheureusement contaminées par des maladies inoffensives pour les colons mais mortelles pour ces populations.
La colonie est le centre du jeu, séparée entre la "secte" ufologue tentant de contacter les Vénusiens, les bars mal famés, le salon de chirurgie esthétique et bien d'autres endroits...
Plus curieux, on a pu voir que cela a eu pour conséquence la modification durable des visages humains, c’est comme si ce “crime” hantait encore les colons tel les effets du post-colonialisme dans notre monde. Mais dans le jeu, impossible de mettre ça sous le tapis : c’est sur le visage de tous ! Alors une partie de la population se réfugie dans la chirurgie esthétique caractérisée par le personnage de Fei qui en dirige le salon. Elle est extrêmement croyante, pensant que seule cette transformation du visage pourra effacer leurs pêchés et donc les sauver de la destruction imminente du monde… Elle construira d’ailleurs un grand “Miroir du jugement” pour s’assurer que la personne n’ait pas d’impureté. Un autre parallèle étonnant avec le monde Occidental où les colons étaient effectivement souvent très religieux. D’ailleurs, lorsque viendra l’évènement équivalent au Jugement Dernier, la symbolique Chrétienne sera très forte.
C’est une interprétation bien sûr mais devant un jeu comme Planet Laika où la moindre interview est impossible à trouver facilement et qui part à ce point en délire, il n’est pas étonnant que le jeu cache son sens profond au travers d'allégories. D’ailleurs cette interprétation est soutenue par un certain groupe de personnages ressemblant à des aborigènes et où la magie vaudou permet au héros de faire une introspection de soi, élément indispensable de la progression.
Le "miroir des jugements" culpabilise les individus et sa représentation très inspiré par le style Européen n'est sans doute pas un hasard.
De l'autre coté les aborigènes, en marge dans la colonie permettront au joueur de découvrir la vérité sur son propre héros.
A l’inverse, nous avons le cas de Cosmos retenu contre son gré par son oppresseur Red, qui lui a modifié son visage pour qu’il corresponde à ses désirs. Un endoctrinement qui l’a peut être rendu “beau” pour nous mais qui ne le rend pas heureux. Il ne sent plus “lui” et demandera à retrouver son vrai visage "de chien" quoiqu’il représente. Il s’agit de l’une des rares fois dans le jeu où on aura l’impression d’agir positivement sur le monde au lieu de simplement l’observer dérouler sa tragédie ou retarder l’inéluctable d’ailleurs. Le fait d’apprendre plus tard que Red lui-même a été abusé par un parent dans sa jeunesse où il était bien plus beau ne peut que renforcer l’intérêt de cette petite histoire. La victime devenant elle-même agresseur étant un propos tombant étonnamment juste dans un jeu aussi cinglé.
La thématique du visage est très riche mais le jeu parle cependant bien davantage du soi intérieur, première cible “d’Evil Mind”, qui saura rappeler à Newt ses traumatismes d’enfance, à Tatori sa propre fille et même la solide April semble être perturbé par l’atmosphère de cette planète. Étrangement, notre personnage semble ne pas avoir de problème… Et pour cause, il n’est pas muet pour répondre à ce vieux cliché de jeu vidéo mais bien parce qu’il est une coquille vide, traumatisée au point de ne même plus avoir de cœur. A la place, il a trois personnalités qui semblent pourtant étonnamment humaines. Arnesto parle même d’une petite sœur à protéger ! En réalité, chacune de ces personnalités ont un rôle précis au sein du cœur du protagoniste et pour le savoir il faudra faire une introspection interne au moyen du rituel vaudou précédemment mentionné….
Dans Planet Laika, être confronté à soi même et nos peurs peut nous changer de façon permanente...
Enfin, après avoir exploré la vie de bien des personnes dérangées au cheminement scénaristique plus ou moins compréhensible on finira par comprendre qu’il faut collectionner les morceaux de la prophétie qui détaille la fin du monde et sa résurrection pour avoir le fond de l’histoire. Ainsi, on mentionne des “jumeaux” annonçant la fin et un personnage prend même cela littéralement en tuant tous les jumeaux qu’il put pour empêcher sa résolution… Malheureusement pour lui, je pense personnellement que par “jumaux” le jeu entendait le dédoublement de personnalité de la plupart des PNJs qui semblent être une règle pour résister à l’atmosphère si hostile de Mars tout en ayant des contradictions.
Je suis moins sûr de mon coup pour ça… D'autant que les jumeaux étaient déjà toute une problématique de "Kowloon's Gate" où on prêtait des pouvoirs magiques à ces êtres puisque deux jumeaux auraient le pouvoir de se retrouver quelque soit la distance qui les sépare... On ne sait pas trop si cette définition s'applique à "Planet Laika" du coup tout n’est pas forcément clair dans mon esprit. En tout cas, il est certain que le tout se termine par la rencontre du bien absolu avec le mal absolu ce qui ressusciterait le monde… Une référence claire au Ying et au Yang mais qui parait tout de même très manichéen dans un jeu qui ne se permettait pas cela jusque là... Une preuve supplémentaire qu'il fait vraiment ce qu'il veut ! Ainsi le chef de la précédente expédition Galileiu ( Galilei ?) se présente comme le grand méchant final et est certain de connaître son identité : Il est le bien absolu et s'évertue d’ailleurs à le prouver en pointant du doigt le fait que les différentes personnalités du héros ont toutes quelque chose à se reprocher. En effet jusque là on ne pouvait que plaindre notre héros qui a perdu sa mère et sa petite soeur encore embryon... Il s’est souvent fait brimer par sa belle famille notamment lors de cette fête de Noël, un symbole chrétien également très présent dans le jeu. Mais voilà, notre héros s'est vengé : Yorenda a empoisonné le beau père, Arnesto a brûlé un bâtiment et Spencer a mis ça sur le dos du beau-frère, trois personnalités endossant trois crimes pour le héros. De victime, il était lui-même devenu oppresseur.
Galiléu était sûr d'avoir le contrôle de la situation rappelant au héros lui même ses propres crimes.
Mais au final, c'est se détacher de cela qui était nécessaire pour remplir le rôle qu'il aurait aimé avoir... Et puis quand on veut être le bien absolu, on fait pas des trucs comme rassembler le mal !
Sauf que voilà, la chance du héros finalement, c’est de s’être détaché de ses crimes en les distribuant à travers ses multiples personnalités. Grâce à cela, il devenait ironiquement le plus à même de représenter le bien absolu. Ce n’est pas si idiot, les deux créateurs Kimura et Miyazaki étant tout deux assez empreint de la culture bouddhiste ne pouvaient que connaitre son concept du “détachement de soi” afin d’atteindre l’illumination.. Et quoi de mieux qu’un self-insert muet de J-RPG pour l’incarner ? A l’inverse, quoi de mieux en tant que “dernier boss” d’un jeu sur l’identité qu’un méchant qui se trompe complètement sur la sienne, ne pouvant croire qu’il représentait le mal absolu depuis le début.
Enfin, alors que la résurrection du monde s’opère, et que j’ai l’impression après moult réflexions d’avoir percé le mystère du scénario de Planet Laika non sans fierté, le jeu nous fait un dernier pied de nez. On remarquera ainsi qu’April semble congelée dans la cinématique de fin sans que la moindre explication ni même réaction soit donnée…. Et je vois VRAIMENT pas pourquoi, désolé, j’ai rien...
Mais pourquoi faire ça Kimura ? Tu l'aimais pas l’héroïne ?
Et j'ai encore l'impression qu'il me manque des pistes.... Pourquoi Noel est aussi proéminent au sein du jeu par exemple ?
Notez que je me suis souvent demandé pendant que je jouais si il y avait des fins alternatives, genre si on parle à tel personnage avec Spencer plutôt qu' Arnesto cela déclencherait des conditions étranges... Ce genre de choses... Et pour aller dans ce sens, certaines scènes semblent effectivement facultatives… Pour autant, personne ne semble vraiment mentionner de fins alternatives et les walkthroughs écrits ou vidéos que j’ai vu semblent toutes arriver à la même conclusion. Mais le jeu est tellement mystérieux et peu connu que quelques autres secrets ne m'étonneraient pas.
Fin des spoilers, retour sur Terre
Revenir de Planet Laika c’est revenir d’un long délire inoubliable bien que non sans défauts. Si vous avez supporté la lecture du paragraphe précédent, vous avez une idée de la folie du jeu bien que j’ai éludé bien des arcs narratifs pour ne mentionner que ceux sur lequel je pouvais mettre du sens. En cela mes interprétations sont sans doute incomplète ( voir complètement fausses ) mais elles nous suffiront puisque l'aura de mystère et d'inconnu fait également parti de l'expérience ! Si vous lisez le Japonais, il ne vous prendra qu’une dizaine d’heure grand maximum. Moi, avec une connaissance me traduisant le tout et vérifiant chaque mot cela m’en a pris plutôt une trentaine. J'en profite pour rajouter cette petite ligne en février 2022 car contre toutes attentes, le jeu a été fan traduit il y a quelques jours et je n'ose y croire ! Peut être le recommencerais-je un jour pour voir si j'ai bien tout compris maintenant que je peux lire les paroles... Peut être...
Un jeu dont la signification est en pièce et ça peut être assez écrasant lorsqu'on joue.
Mais avec du recul, c'est amusant de mettre de l'ordre dans tout ça.
En tout cas, c'est ici que m'a mené ma recherche du dernier jeu cool de Quintet. Comme je le disais plus tôt cependant, il est difficile de savoir ce qu’a fait mon studio fétiche et ce qui est de l'ordre de Zeque ! Ainsi, même si le scénario est accrédité à Nakaji Kimura, je ne peux m’empêcher de penser que Miyazaki y a aussi apporté sa pierre… Et sans doute plein d’autres gens de l’équipe ce qui a donné ce florilège d’idées très intéressantes mais parfois indigestes. Ainsi, on pourra attribuer au créateur de Kowloon's Gate cette idée que chaque personne a un endroit et un envers façon Ying/Yang, cette fascination pour les jumeaux, un personnage un peu caméo et la philosophie Taoiste de manière générale. A l'inverse, toute cette histoire de prophétie qui semble être le premier pas vers la résurrection du monde est tellement dans les thématiques habituelles de Tomoyashi Miyazaki que je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il a largement participé ! C’est bien trop lui !
Mais comme souligné dans mon dossier Ys, Miyazaki ne sera plus là pour nous le confirmer et Kimura lui-même ne parlera plus que de Planet Laika dans la suite de sa carrière contrairement à Kowloon's Gate qui continue à passionner. Planet Laika est le genre de jeu échoué sur le coin d’une plage vidéoludique et qui serait sans doute oublié de tous si il n’était pas relié à des jeux plus connus. En cela, il est passionnant d’en parler.