Dans tous les familles, il y a un gosse bizarre. Vous savez, celui qui fume de l'encens et qui dessine des pigeons morts. Hé bien, dans la grande famille des jeux de flipper, Paranoiascape est un peu de ceux-là. Sorti en 1998 sur PlayStation uniquement au Japon, il est le seul jeu développé et édité par Mathilda (qui est probablement un studio créé le temps d'un jeu). Et si vous regardez plus près, vous pouvez voir qu'un nom est associé au titre : "Screaming Mad George"... En effet, la courte intro nous indique que c'est lui qui s'est occupé à la fois du game design, de l'aspect visuel et l'OST. Mais qui est ce mec ?
Derrière ce pseudonyme se cache en fait un Japonais du nom de Joji Tani. Et il n'est pas game designer, mais... spécialiste en maquillage et effets spéciaux dans l'industrie du cinéma ! En effet, il a bossé sur des œuvres cultes et/ou reconnues (Predator, Society, A Nightmare on Elm Street 4) mais aussi sur un paquet de films de série B dont l'intérêt est un peu plus douteux (Jack Frost, The Dentist II, Curse II: The Bite). Il n'est pas étranger au monde de la musique non plus, puisqu'il a pas mal participé sur la scène punk et même monté son propre groupe très orienté "shock" à la fin des années 70 ; il a aussi apporté sa touche sur pas mal de clips musicaux, comme Closer de Nine Inch Nails ou Dr. Green Thumb de Cypress Hill, parmi tant d'autres. Dans tous les cas, son trip à lui, c'est de designer des monstres et des trucs dégueus selon une méthode qu'il appelle "L'Anti-Réalisme" ; en effet, pas la trace de la moindre manipulation numérique dans ses travaux, tout est fait à la main pour justement donner cette impression "irréelle" grotesque. Il explique pourquoi cet attrait pour le gore quasi-surréaliste : « Je n'aime pas la vraie violence, mais j'aime bien la violence imaginaire [...] On peut apprécier la fausse violence même quand elle est vraiment atroce. Mais je n'aime pas quand elle est réelle. Je n'aime rien de ce qui est réel. »
C'est lui.
Mais comment peut bien se jouer un jeu designé par un tel freak ? Surtout quand on sait qu'il s'agit d'un putain de jeu de flipper ! Hé bien, cette entrée dans le genre n'est pas comme les autres, puisqu'elle est en 3D et... à la première personne. Hé oui, vous voyez l'espace de jeu comme si vous étiez derrière les raquettes plutôt qu'au-dessus. Mieux encore, vous pouvez vous déplacer ! En effet, vous devrez progresser le long de chemins linéaires tout en maîtrisant la balle pour ne pas qu'elle tombe derrière vous ; les larges slingshots sur le côté de vos raquettes vous viendront d'ailleurs souvent en aide. Il y a 9 niveaux différents en tout, chacun ayant un objectif particulier outre le scoring : Il suffit de rejoindre la sortie du premier, mais le deuxième demande à battre un boss et le troisième à récupérer votre balle d'une horde de poissons volants. Prenez garde aux objets pointus et aux créatures hostiles, cela dit... parce que oui, vous avez une barre de vie ! Vous pouvez vous faire tuer dans ce flipper ! Si vous faites attention à où vous mettez les pieds, cela ne devrait pas trop poser de problèmes, mais c'est un facteur en plus à prendre en compte pour ne pas rater votre coup. À ce titre, le menu d'options permettent de régler le niveau de difficulté (facile, normal et difficile) ainsi que le nombre de balles (5, 10, 15, infini) ; les continues, eux, sont toujours infinis.
Et le résultat de cette expérimentation est franchement pas si mal ! Certes, on se retrouve souvent à taper dans la balle au hasard et à l'envoyer dans tous les sens sans trop réfléchir pour avancer, mais ce n'est pas vraiment une tare. Le jeu est sympa et défoulant, on ne lui en demandait pas beaucoup plus. Certains fans hardcore du genre penseront sans doute aussi que l'originalité de l'environnement se fait au détriment de la complexité du flipper en lui-même (c'est vrai qu'il n'y a pas grand chose d'autre que des bumpers), mais il ne faut pas oublier que cette attention portée sur l'aspect visuel est un autre point qui différencie Paranoiascape du reste.
Vous déplacer ne vous servira pas qu'à traverser le niveau, mais aussi à vous adapter à d'autres situations.
Si les niveaux ont effectivement des objectifs, le scoring reste central au gameplay.
Parce que c'est au fond là qu'est le plus important du jeu : Son univers. Inutile de vous préciser qu'il s'agit d'un des trucs les plus fucked up que j'aie jamais vu dans un jeu vidéo... Screaming Mad George s'est fait plaisir, et on reconnaît là très bien son "Anti-Réalisme", même sans avoir vu les films sur lesquels il a bossé. Entrer dans les détails concernant le bestiaire est inutile voire impossible ; c'est tellement indescriptible qu'il faut le voir pour comprendre, des termes simplistes comme "fantômes" ou "zombies" n'étant définitivement pas adaptés à définir ce que sont vraiment ces... trucs. Bien sûr, l'environnement dans lequel vous évoluez n'est pas en reste : Vous traversez des couloirs organiques dans lesquels sont jonchés des seringues géantes, des intestins infectés par des parasites difformes, les rues quadrillée d'une ville dans laquelle s'enracinent toutes sortes de monstruosités, j'en passe et des meilleure. On a l'impression de se retrouver dans un vrai cauchemar comme c'est à la fois gore et ridicule, dégoûtant et rigolo, repoussant et entraînant. Cette impression de non-sens et cette atmosphère juste bizarre sont amplifiés par le gameplay en lui-même, qui est rarement l'apanage de ce genre d'esthétique (vous tapez sur une balle-cerveau avec des raquettes-squelettes après tout) ainsi que par une ambiance musicale composée des musiques punk, tantôt survoltées, tantôt plus orientées industriel ou darkwave. La séquence finale est par ailleurs complètement dépitante, et le jeu se clos "en beauté" sur une FMV crade avec les monstres du jeu.
...Qu'est-ce que c'est que ces trucs ? Des parasites ? Des mutants ? Dégueulasse en tout cas.
Les jambes, là... Je veux même pas savoir c'est qu- Ah ouais ok, il a carrément foutu sa tronche dans le jeu.
Bref, vous ne perdez rien à essayer Paranoiascape, surtout qu'il peut se terminer en une demi-heure si vous accrochez. Les fans de flipper pourront y trouver une expérience différente de ce à quoi leurs classiques les avaient habitués, et ceux qui ne sont pas forcément férus du genre y découvriront un univers univers unique qu'ils ne sot pas prêts d'oublier.