Pour tout ceux qui prennent plaisir à explorer les abysses du jeu vidéo dans l'espoir d'y trouver des spécimens inconnus, la Super Famicom est un site de choix où partir en expédition. À l'époque, les nouvelles possibilités qu'elle ouvrait avaient boosté l'enthousiasme des développeurs à produire des petits jeux particuliers... même si ces mêmes studios disparaissaient parfois peu de temps après, sans laisser la moindre trace. Cependant, une fois n'est pas coutume, ce n'est PAS d'un de ceux-là dont il sera question cette fois-ci ; en effet, le développeur du jeu du jour, Marvelous ~Mou Hitotsu no Takara-jima~, n'est autre que... Nintendo ! Hé oui. Mieux, ce n'est autre qu'Eiji Aonuma, un des principaux designers des Zelda, désormais légendaire pour son travail sur Ocarina of Time, Majora's Mask et The Wind Waker, qui signait là son premier game design et son entrée dans le monde de l'action/aventure ! La sortie tardive du jeu en 1996, alors que la Nintendo 64 était déjà disponible même aux États Unis, est sans doute la raison de sa non-localisation ; et ce n'est que vers fin 2012 qu'une certain "tashi" a mis à disposition un patch quasi-complet du jeu, à la surprise de ceux qui avaient déjà entre-aperçu Marvelous dans un pack de ROMs ou au détour d'un obscur fansite Nintendo sans espérer qu'il ne leur soit rendu accessible un jour.
Notez que le jeu n'est pas sorti tout de suite au format physique. Une première version Satellaview du jeu appelée BS Marvelous Time Athletic est sortie en janvier, et ce n'est qu'en octobre que le jeu est sorti en boîte avant d'être suivi d'une dernière version Satellaview le mois suivant, BS Marvelous Camp Arnold. Ces versions Satellaview n'avaient pas tous les éléments de gameplay de la version finale, mais elles profitaient du SoundLink, service qui diffusait à heures fixes des commentaires audio de diverses natures, dans ce cas-ci même un véritable drama avec des personnages doublés ! Il semblerait qu'il y ait eu une histoire de "stamp rally" autour de ces versions, aussi. Les "stamp rallies", pour ceux qui ne connaitraient pas, sont une espèce de tradition japonaise moderne centrée autour de l'existence de stands un peu partout dans l'archipel où siègent des tampons qui impriment diverses illustrations ; il existe des fans qui font une véritable chasse pour compléter leur collection ! Cela dit, et vous vous en doutiez, tout ceci est complètement perdu aujourd'hui. C'est donc de la version boîte, qui est de toute façon bel et bien la version définitive du jeu, qui sera la base de cette review.
Le titre du jeu, qui peut se traduire par "Une Autre Île au Trésor", fait explicitement référence au classique de la littérature d'aventure de Robert Louis Stevenson. Et en effet, il sera ici question de PIRATES ! Il est dit qu'à l'époque où les pirates régnaient encore sur les Sept Mers, le légendaire Capitaine Maverick a caché un trésor du nom de "Marvelous" sur une île déserte... mais bien sûr, personne n'a jamais pu mettre la main dessus. Et il semblerait que ce sont trois gamins américains de 12 ans - Deon, Max et Jack - partis en voyage scolaire sur Camp Island qui soient le plus près de toucher au but... sans le savoir !
Après la petite cinématique d'introduction, le jeu commence de manière un peu particulièe. En effet, le gameplay s'ouvre en mode "Search System", une interface semblable à celle d'un jeu d'aventure : Vous contrôlez un curseur et vous cliquez sur les objets ou personnes que vous voulez observer ; vous pourrez ensuite les voir de plus près, voire interagir avec eux lorsque c'est possible. Vous pouvez lancer ce "Search System" à tout moment : Si vous êtes à côté d'un élément interactif, comme un personnage, il s'ouvrira directement sur cet élément ; si rien n'est à côté de vous, vous pourrez utiliser le curseur pour analyser votre entourage. Cette interface peut parfois sembler un peu lourde, surtout lorsqu'on veut simplement parler à un NPC, mais vous finirez pas vous faire assez rapidement à cette nouveauté qui fait partie intégrante du design du jeu.
Le Search System peut parfois sembler un peu vieillot, mais il est plutôt bien intégré au gameplay.
Cela dit, l'essentiel du jeu se déroule dans des phases d'exploration dans lesquelles vous pouvez contrôler un des trois protagonistes. Tant que les persos sont sur le même écran, vous pouvez switcher entre eux à loisir en vous "passant le chapeau", symbole de qui est le leader du groupe. Vous pouvez aussi séparer un des personnages du groupe, et il vous suffit de donner un coup de sifflet pour rassembler la bande si les copains sont dans le coin. Vous serez aussi muni assez rapidement de walkies-talkies vous permettant de switcher entre les trois même lorsque vous n'êtes pas sur le même écran. Le fait de se séparer et de se regrouper sans arrêt est clairement la mécanique au centre du jeu, et il vous faudra parfois jouer avec la possibilité d'être à plusieurs endroits "en même temps" grâce à ces trois protagonistes qui peuvent évoluer de manière relativement indépendante.
Le jeu se prend assez vite en main, et vous apprendrez rapidement à faire usage du chapeau comme du sifflet.
Bien sûr, chaque perso a sa particularité, mais elle ne réside pas tant dans leurs capacités physiques. Certes : Deon est petit et rapide, Max est gros et lent, et Jack est grand et habile avec ses mains, et ça aura parfois son importance, mais ce qui va définir l'intérêt véritable des persos sont les objets qu'ils vont chacun récolter au cour de l'aventure. Par exemple, Deon obtiendra une balle de baseball lui permettant d'attaquer à distance, Max un tuba lui permettant de plonger sous l'eau, ou Jack des bottes lui permettant de sauter au-dessus des gouffres.
Il vous faudra donc bien gérer votre équipe, histoire de toujours progresser ensemble quand c'est possible ; parce que vous en aurez besoin. En effet, il y a un autre concept à prendre en compte : Celui de "travail en équipe". Lors de certains passages, il sera nécessaire d'avoir votre équipe au complet pour pouvoir unir vos forces contre un obstacle encombrant ou un mécanisme imposant, du style gros rocher ou levier géant, qui seront aussi l'occasion d'une séquence de button mashing ou d'un mini-jeu simpliste.
Il vous faudra souvent travailler en équipe, mais aussi parfois vous séparer du groupe et compter sur un atout particulier.
Tout cela est bien beau, mais que valent donc les puzzles qui parsèment l'aventure ? Hé bien, on remarquera en tout cas que l'exploration de l'environnement est un peu similaire à celui d'un Zelda 2D ; d'ailleurs, Aonuma s'est dit très influencé par A Link to the Past dans la façon dont il a conçu le game design, et il ne serait pas étonnant que le moteur de jeu du troisième Zelda ait tout simplement été rééutilisé pour ce Marvelous. Cela dit, l'aspect action est tout de même pas mal mis en retrait, pour mettre l'accent sur la résolution d'énigmes. Et... c'est là que le bat blesse. Ces énigmes sont le fluide vital du jeu, et il faut bien admettre que la plupart d'entre-elles manquent pas mal de créativité voire d'intérêt. Beaucoup trop consistent à simplement interagir vite fait avec des trucs à travers le Search System ou à des phases de travail en équipe souvent sans intérêt. Certes, il y a bien quelques idées qui se valent ci et là, et quelques résolutions rigolotes viennent parfois sauver le joueur de la platitude globale, mais rarement quelque chose de bien de mémorable. C'est dommage, car le jeu partait sur de bonnes bases, mais il donne l'impression de ne pas être "complet", de ne simplement pas avoir bénéficié d'un travail sur les énigmes qui auraient pu le rendre vraiment intéressant.
Y a quelques trucs rigolos... Quelques trucs qui sauvent parfois la mise, un peu... Pas de quoi se réjouir, disons.
Le jeu est d'ailleurs plutôt court, et son univers a en conséquence très peu de temps pour de développer. C'est encore une fois dommage, car il était fort sympathique, avec une bonne dose d'humour et des persos qui pouvaient être attachants... mais ce ne sont pas chez cinq chapitres qui seront suffisant pour laisser un impact véritable, malgré les tentatives de construire un monde varié et une OST agréable composée d'un certain Yuichi Ozaki, qui a principalement travaillé sur d'autres jeux Nintendo liés au Satellaview.
Le jeu est comique et cartoonesque avant tout, dommage que cet univers n'ait pas pu être plus "complet".
Bref, Marvelous laisse un peu le joueur sur sa faim. Certes, ce n'est pas un mauvais jeu non plus et il a le mérite d'offrir une aventure sympathique en partant d'A Link to the Past comme base, en plus de provoquer quelques sourrires grâce à ses petits détails rigolos ; mais il déçoit par des énigmes qui manquent globalement d'inventivité et un gameplay sous-exploité malgré les bonnes idées. Le titre aurait sans doute gagné à être plus long histoire d'avoir à sa disposition plus de temps pour véritablement mettre à profit les possibles subtilités de son game design. C'est dommage, car Marvelous aurait sans doute ainsi pu laisser un souvenir plus marquant que celui d'un simple soft d'action-aventure "sympa".