Twilight Syndrome
Tansaku-hen et Kyūmei-hen
Support : PSX
Développeur : Human Entertainment
Date : 1997
Genre : Aventure
Développeur : Human Entertainment
Date : 1997
Genre : Aventure
Twilight Syndrome, un jeu dont vous avez peut être entendu parler mais qu’il est difficile de resituer sans évoquer son développeur Human Entertainment. Assez peu connu chez nous, ce dernier s’était à la base surtout fait un nom grâce à ses jeux de sports, notamment la série de football Super Formation Soccer et les jeux de catch Super Fire Pro Wrestling. Peut être à cause de ce savoir-faire dans les activités ancrés dans le réel, ils ont aussi créé quelques jeux aux concepts inhabituels comme “SOS” dans lequel on joue un survivant essayant de fuir un bateau en train de couler ou Firemen où on incarne des pompiers combattant les flammes. Leur plus grande légende cependant sera “Clock Tower” un jeu d’horreur sur SNES particulièrement en avance sur son temps et reviewé il y a bien 10 ans par ce coquin de Weldar ici, ce qui, il faut le dire, ne nous rajeunit pas…
Clock Tower nous sert ici de point de départ. Avec ses photographies digitalisées pour la SNES et ses déplacements en vue de côté, Twilight Syndrome semble, à première vue, une suite évidente. Pourtant, les deux séries sont extrêmement différentes et n’ont pas du tout été faites avec les mêmes intentions. L’idée de Twilight Syndrome vient avant tout d’un prototype de machine d’arcade produite par Human Entertainment : Un casque immersif produisant du "3D Sound", conçu pour donner l’illusion qu’un fantôme vous chuchote à l’oreille. Ce concept, bien que jamais commercialisé, était très populaire en interne. De là est née l’idée d’ajouter une véritable histoire, des images et, au final, de transformer ce projet expérimental en un jeu d’aventure – un domaine que Human maîtrisait déjà bien.
Human Entertainment était surtout connu à l'époque pour ses jeux de sport notamment de catch.. Mais ils savaient être expérimental.
Dans SOS sur SNES, on tente de survivre dans un bateau qui coule et Clock Tower est un ancêtre impressionnant du survival horror.
Dans SOS sur SNES, on tente de survivre dans un bateau qui coule et Clock Tower est un ancêtre impressionnant du survival horror.
Le titre est également connu comme étant l’un des premiers jeux du plutôt connu directeur Goichi Suda ou Suda 51 pour les intimes. Auteurs de jeux barrés mémorables comme No More Heroes, Lollipop Chainsaw ou l’incroyable Killer 7 il a un style bien à lui, qu’il serait hors sujet de décrire dans cet article… Hors sujet ? Oui parce que si les Twilight Syndrome font effectivement partie de l’univers développé par la célébrité pour des raisons que l’on verra à la fin, Goichi Suda est intervenu sur le projet en remplaçant le directeur originel… Sans qu’on sache vraiment qui. A ce stade seul 3 scénario sur 10 était terminé, le jeu sortait dans 3 mois, autant dire que c’est pas vraiment un jeu qui possède sa patte. D’ailleurs, il prit la décision pragmatique de couper le jeu en deux pour tenir les délais. Un premier épisode “Exploration” sorti en mars 1996 et le second “Investigation” sorti en juillet 1996. Finalement une compilation finit par rassembler les deux jeux sous le nom “special” deux ans plus tard en juillet 1998.
On parlera des deux jeux comme s' ils ne faisaient qu’un vu leur histoire commune.
Mass Consciousness Ghosts
Twilight Syndrome raconte l’histoire de trois lycéennes, Yukari, l'héroïne se comporte souvent comme la plus raisonnable, Chisato la spirituelle et introvertie amie d’enfance de Yukari ; et Mika, une “kouhai” d’un an de moins que les 2 autres mais qui traîne tout de même avec elles pour divers raisons. Mika, c’est l’élément perturbateur, c’est elle qui va tendre l’oreille pour dégoter les dernières rumeurs surnaturelles et va pousser ses deux amies à enquêter, souvent au crépuscule ( d’où “Twilight” Syndrome, ah ! ) pour voir s’il y a un fond de vérité à ces histoires mystérieuses !
Twilight Syndrome est très connu pour cette vue de côté et ses sprites digitalisés à partir de vrais acteurs dirigés par l'équipe.
Y'a des détails ! Yukari mène avec un pas décidé, Chisato, introvertie, garde les bras croisés et Mika, insouciante, les balance.
Y'a des détails ! Yukari mène avec un pas décidé, Chisato, introvertie, garde les bras croisés et Mika, insouciante, les balance.
Les deux jeux se décomposent en plusieurs “chapitres” appelés “rumeurs”, chacun avec sa petite histoire indépendante. Ce qui est étonnant, c’est de voir cette idée de lycéennes enquêtant sur le surnaturel traitée au premier degré que ce soit sur une élève qui se serait pendue il y a des années dans la salle de bio, sur les sept mystères de l’école ou sur un piano qui jouerait tout seul la nuit. Le surnaturel au lycée, c’est un énorme classique de nombreux manga que j’ai pu lire, mais à chaque fois… Soit c’est dans un chapitre spécial sous forme de farce ( Urusei Yatsura, MariaTHolic et même Blazblue ! ), soit il y a un twist ( Hanako-kun ou Higanbana no naku koro ni nous fait voir le monde DEPUIS les esprits brisant un peu leur mystère ). Dans Twilight Syndrome cependant, le trope est utilisé tel quel, sans fioriture, comme lorsqu’on se raconte des histoires qui font peur le soir en colonie de vacances… C’est un peu l’idée de base du projet d’ailleurs !
Yuichi Kobayashi superviseur du projet déclare dans une interview que durant sa génération, chaque école avaient une ou plusieurs histoires de fantôme, ça semblait vraiment être un délire là bas ! Je ne sais pas pour vous, mais moi j’ai jamais entendu parler d’histoire de fantôme dans mon collège ou mon lycée… Pourquoi ce serait si systématique là-bas ? Peut-être parce qu’il est courant de dormir dans son lycée pour des activités scolaires au Japon, contrairement à chez nous ? Allez savoir. En tout cas, pour la petite histoire, Human Entertainment avait réservé un créneau radio pour promouvoir le jeu pendant trois mois. C’était 26 petites émissions dans lesquelles l’audience était invitée à partager les rumeurs effrayantes et histoires de fantômes de leurs écoles. La présentatrice était Kikuko Inoue, une doubleuse japonaise (seiryu), et c’était sa première émission du genre… Ce type d’émission, on l’avait déjà croisé dans l’article Atelier Marie, et ça semble vraiment être un délire typiquement japonais qu’on aurait du mal à imaginer chez nous. Vous imaginez si, pour la sortie de Rayman 2 à la même époque, on avait eu une émission radio sur France Culture intitulée “Demande des trucs à Rayman”, où un mec incarnerait le personnage et te répondrait ? Eh bien, au Japon, ça se faisait !
Les trois lycéennes enquêtent sur des histoires de fantômes assez typiques et de façon très pure, sans twist.
Mais la magie de la Playstation fait qu'on peut y mettre des voix, des mises en scènes voir des animations assez élaborées !
Mais la magie de la Playstation fait qu'on peut y mettre des voix, des mises en scènes voir des animations assez élaborées !
Ce qui peut sembler déroutant pour un lecteur de visual novels modernes, c’est que Twilight Syndrome est davantage conçu comme un reflet de “tous” les lycées, avec des histoires de fantômes qui auraient pu arriver n’importe où. Il y a une véritable volonté de réalisme ! Je m’attendais à un jeu très spectaculaire, mais au final, les récits sont parfois… presque trop simples, presque décevants, comme s’ils provenaient vraiment de rumeurs de la vraie vie. Et souvent, c’est effectivement le cas ! Le jeu repose donc bien plus sur son immersion sonore pour générer de l’angoisse que sur la complexité de ses scénarios… Ce qui rend peut-être l’expérience un peu datée pour un public moderne, encore plus quand, comme moi, on ne comprend pas un mot de japonais et qu’on doit attendre une traduction par quelqu’un qui maîtrise la langue. L’équipe de dév était peut être assez peureuse aussi puisqu’ils se seraient mis à voir des fantômes dans leurs studios et Suda51, lui même, avouait être terrifié en débuggant le jeu, incapable de savoir ce qui était réel ou non…. C’est quand même fort ! J’aurais pensé à une exagération mais en vrai, ça me rappelle un peu les anecdotes du dossier “Project Zero”, où des développeurs allaient jusqu’à se purifier au temple après avoir travaillé sur leurs jeux d’horreur… La superstition est peut être juste très forte par là bas ?
Toujours dans cette idée d’ancrage dans le réel, les héroïnes de Twilight Syndrome se démarquent des tropes d’anime habituels. Pas d’héroïne renfrognée aux longs cheveux, de tsundere aux couettes, de maladroite à forte poitrine, de sportive bronzée ou d’intello à lunettes plongée dans ses bouquins. Leurs personnalités sont moins caricaturales, plus subtiles, tout en étant suffisamment distinctes pour rendre leurs dialogues vivants et divertissants. Et pour cause : l’équipe de scénaristes a installé trois lycéennes dans un restaurant et les a écoutées discuter pendant cinq heures ! L’objectif était de retranscrire leur manière de parler dans les dialogues, avant de les faire valider par une experte de l’équipe (nommée Mika, au passage !) pour s’assurer que tout sonnait juste et plausible.
Le jeu devait utiliser le "son 3D" pour faire entendre des voix effrayantes au joueur... C'était l'idée de base.
Cela dit, le jeu a un soucis d'exactitude tels qu'une écrivaine a écouté des lycéennes (actrices) parler pour imiter leur phrasé !
Cela dit, le jeu a un soucis d'exactitude tels qu'une écrivaine a écouté des lycéennes (actrices) parler pour imiter leur phrasé !
Le résultat, c’est que leurs relations ont des petits côtés subtils. On se surprend à détecter une certaine jalousie de la part de Mika envers Chisato, qui connaît l’héroïne depuis plus longtemps. On s’inquiète pour l’équilibre mental de Yukari, bien moins adulte qu’elle ne veut le laisser paraître, et on se demande à quoi pense Chisato, toujours très peu expressive… Mais, comme dans la vraie vie, ce n’est pas pour autant adressé directement. Ça fait partie de leurs relations, de leur quotidien. Il n’y a presque pas d’arc dramatique pour explorer ces dynamiques. Si on ajoute à cela que les sprites des personnages semblent directement créés à partir de véritables actrices, chacune avec un maniérisme bien particulier, et que de nombreuses photos ont été digitalisées dans le jeu, l’impression de réel est bien là § On a l’impression de regarder une petite série télé interactive plutôt que de vivre une aventure tirée d’un anime ou d’un manga, comme on en voit plus souvent dans ce médium.
Cette impression de réalisme n’a pas que des avantages. Elle est aussi à l’origine d’une certaine platitude dans le jeu : le lycée de Twilight Syndrome n’est pas particulier, c’est un lycée comme il en existe partout. D’ailleurs, un intérêt non voulu du jeu est qu’il retranscrit parfaitement son époque, avec ses lycéennes équipées de “pagers” ou “bipeurs” — ces appareils qui précédaient les téléphones portables et permettaient de recevoir de simples messages. Cela renforce encore davantage cette impression nostalgique, dont le jeu se joue avec beaucoup de finesse.
Ce souci d'exactitude, c'est ce qui fait la force de ce jeu où on subit plus qu'on ne joue 90% du temps.
Les pagers, les grosses chaussettes, la chaine HiFi, Twilight Syndrome est un témoin de son époque !
Les pagers, les grosses chaussettes, la chaine HiFi, Twilight Syndrome est un témoin de son époque !
Alone in the School
Il y a peu de gameplay dans Twilight Syndrome. Quelques déplacements en vue de côté, mais je ne pense pas qu’il y ait un moment où l’on marche plus de huit secondes avant que le script ne reprenne, accompagné des dialogues correspondants. Certains appellent ça des “Sound Novel”, c’est-à-dire rien de plus qu’un roman où le jeu vidéo apporte une mise en scène et un travail tout particulier sur le son. La définition s’applique plus ou moins bien ici, mais il semble que le sens de ce terme ait glissé avec le temps. Ce qu’il faut retenir, c’est que si Clock Tower était un véritable jeu d’aventure avec des objets à récupérer, des salles à visiter et des ennemis à fuir, Twilight Syndrome, de son côté, n’est qu’une histoire, et le joueur en est principalement le lecteur.
“Principalement”, oui, car on rencontre régulièrement des choix de dialogues durant l’aventure. Ces choix constituent finalement le principal vecteur d’anxiété pour un joueur occidental, que des photos de “fantômes” ou des voix bizarres en japonais ne vont pas forcément troubler. Dans chacune des rumeurs, il est possible d’obtenir une “bonne fin”, où le mystère est totalement expliqué, une “fin normale”, où la réalité semble encore nous échapper même si on peut poursuivre le jeu sur un autre chapitre ou même une “mauvaise fin”, ce qui peut marquer la fin tragique des personnages et ne débloque pas la rumeur suivante. Il existe de nombreuses solutions disponibles sur Internet, et le jeu n’est pas toujours logique dans la manière d’atteindre la bonne fin. Mais je conseille malgré tout de faire un premier run en aveugle, prenant les décisions qui semblent les plus logiques sur le moment. Pourquoi ? Juste pour avoir cette petite tension dans laquelle il faut jongler entre ne pas toujours fuir pour pouvoir percer le mystère de la rumeur et avoir la bonne fin sans être trop téméraire pour ne pas rencontrer une fin plus funeste qui demande carrément de refaire la rumeur. C’est un dosage plus subtil qu’il n’y paraît, et ça fonctionne plutôt bien.
Les choix au sein des chapitres sont un moyen grossier de rajouter de l'interaction mais... Ca marche un peu !
Vaut-il mieux partir au risque de ne pas trouver la vérité ou se jeter à l'eau au risque d'avoir la mauvaise fin ?
Vaut-il mieux partir au risque de ne pas trouver la vérité ou se jeter à l'eau au risque d'avoir la mauvaise fin ?
Le jeu a aussi des “collectibles” avec la possibilité de prendre des photos ou d’enregistrer des voix à des moments clés, mais… J’ai quasi systématiquement oublié l’existence de cette fonctionnalité qui ne semblait pas apporter grand-chose. Ce qui prend surtout aux tripes donc, c’est cette présentation en vue de côté si originale qu’elle en a rendu ces jeux légendaires.
Du pixel et du son
La présentation est donc fondamentale pour que Twilight Syndrome fonctionne… Après tout, le jeu n’a quasi que ça à proposer pour tenir en haleine le joueur ! Pas de soucis cependant car il bénéficie d’un pixel art franchement super chouette, généralement dans la teinte orangée du crépuscule ou dans les teintes bleutées de la nuit. Si la plupart des couloirs sont modélisés en 3D basique, il arrivera très régulièrement de passer dans des environnements en 2D qui ont encore un charme intact. Le jeu ne se prive pas non plus de quelques effets de mise en scène, comme des bocaux placés au premier plan dans la salle de bio, une caméra qui observe l’action depuis un interstice dans la salle de sport, une scène animée où on compte des marches d’escalier, un magnifique point de vue sur la ville à un moment clé, ou même un gros plan durant une séance de karaoké !
Le plus curieux c’est l’utilisation de photos à des moments réguliers du jeu, généralement lors d’une rencontre avec une “entitée” qui peut être un fantôme… Ou simplement un humain un peu flippant. Dans ces moments-là, il est assez probable que le fameux “3D Sound” entre en jeu pour accompagner la voix de l’apparition. On devine que l’objectif était d’accentuer l’impression de réel, mais rien à faire : voir une jeune fille en uniforme, même à moitié enfoncée dans le sol, ne fait pas vraiment peur… Bien plus un homme adulte aux yeux bandés, cela dit. En cela, les chapitres de Twilight Syndrome sont malheureusement assez inégaux : certains sont extrêmement réussis avec une vraie tension tandis que d’autres paraissent plus plat comme celui qui traite du harcèlement scolaire bien trop simpliste pour des standards actuels… D’autres sont même carrément drôles… Genre, ils pensaient vraiment qu’on allait flipper devant un type en maillot de bain ? Vraiment ? Bon, après, moi j’avoue, je flipperais...
Curieusement, les chapitres peuvent énormément varier en qualité d'écriture..
Des fois un personnage peut mettre réellement mal à l'aise et d'autres scènes sont bien plus ridicules..
Des fois un personnage peut mettre réellement mal à l'aise et d'autres scènes sont bien plus ridicules..
De façon plus rare, le jeu propose aussi des cinématiques 3D pour accompagner certains événements et, euh… disons que si cela a pas mal vieilli, au moins les développeurs ont eu la modestie de ne pas représenter de personnages humains à l’intérieur. (Sauf un esprit… mais bon, c’est un esprit.) Pour tout dire, c’est aussi parce qu’ils ne se sentaient pas capables de représenter un visage humain “correctement” sur leurs sprites qu’ils ont choisi de ne pas inclure les visages des héroïnes. Résultat : on “devine” le visage des personnages, mais il demeure, dans les faits, un mystère. À chaque nouvelle image, on se surprend à se demander : “Ah ? Est-ce qu’on va mieux les voir ?” Cela aboutit à un choix stylistique finalement assez chouette.
Ennui ou mélancolie.
Si vous avez “joué” à un Visual Novel un jour dans votre vie, vous savez que cela peut prendre un certain temps avant de démarrer et que le rythme sera forcément un peu lent pour accompagner une descente progressive au cœur de la rumeur… Ce n’est pas comme Clock Tower, où tu pars de la pièce principale, tu reviens, et Scissorman débarque pour empaler quelqu’un immédiatement. Non, ici, on a juste trois filles qui explorent des endroits la nuit du coup il ne se passe souvent pas grand-chose pendant un bon moment ! Remarquons pendant ces moments le sympathique spectrogramme en haut de l’écran qui nous renseigne sur leur niveau de stress. Moi, je trouve qu’elles ont les nerfs solides, quand même !
Le jeu a un rythme assez lent où on prend le temps d'apprécier la mise en scène.
A son meilleur, cela donne une vraie qualité nostalgique et mélancolique au jeu !
A son meilleur, cela donne une vraie qualité nostalgique et mélancolique au jeu !
Le rythme lent est délibéré, c’est vrai, mais on peut quand même s’’ennuyer dans Twilight Syndrome.. Encore plus si on vient en tant que fan de Suda51 et qu’on s’attend à un truc vachement hardcore… C’est vraiment pas l’ambiance… Et puis bon, y’a ces moments où un spécialiste du surnaturel nous tient la jambe au téléphone pendant une éternité à parler de ce que nos rumeurs lui évoque sans que ça nous aide particulièrement. Ou encore cette recherche à la bibliothèque, juste pour se rendre compte que l’un des ponts fait un jeu de mot avec “pays des morts” ce qui explique pourquoi on peut y aller par là… Bon… Ca aurait pu être raccourci… D’ailleurs, je me demande si le fait que Suda51 ait “réduit” certains scénario n’a pas permis d’alléger ce genre de moment un peu longuet.
Comme dit plus haut, les chapitres peuvent être assez inégaux en termes de scénario, et ça se voit que cela a commencé comme une collection d’histoires mises en scène dans un monde un peu abstrait qui les rassemble. Cela signifie qu’il y a des rumeurs qui se trouveront être plutôt explicables, des rumeurs qui sembleront plus personnelles, plus connectées à la vie de l’héroïne, et des rumeurs qui, au contraire, peuvent emmener les trois héroïnes dans de véritables situations de danger dans des mondes surnaturels ! Cette diversité a un avantage cependant : on ne sait jamais trop à quoi s’attendre lorsqu’on explore une rumeur. Tout peut arriver, et il est surprenant de voir jusqu’où certaines peuvent aller.
A son pire... Le jeu peut parfois avoir un rythme bien trop mou... Comme cette discussion interminable au téléphone.
Ou encore ce chapitre sur le harcèlement dont les devs étaient fiers mais qui est vraiment trop basique pour les standards actuels.
Ou encore ce chapitre sur le harcèlement dont les devs étaient fiers mais qui est vraiment trop basique pour les standards actuels.
Au-delà du surnaturel, le jeu nous présente un beau mélange entre ce rythme lent, ces histoires d’ados cachant leurs peines, cette thématique du crépuscule avec ses teintes orangées, et cette description d’un Japon des années 90. Pour être honnête, j’étais un peu déçu au début par à quel point tout paraissait “basique” dans ce monde, mais j’ai été touché par son final et par l’atmosphère globale du titre. J’ai même, pour tout dire, ressenti une petite tristesse lorsque je me suis rendu compte que c’était fini, que Twilight Syndrome était derrière moi, et qu’il fallait laisser ce trio derrière nous. Même le DVD de making of présente une Yukari devenue adulte, se souvenant de ces moments de jeunesse avec nostalgie… Nostalgie, c’est le mot. Twilight Syndrome parvient à nous rendre nostalgiques d’une époque que l’on n’a jamais connue, et c’est sans doute la chose la plus chouette qu’il peut nous faire ressentir si on y joue aujourd’hui… Bien plus que de la peur, en tout cas.
Twilight Legacy.
Vous me direz : “Mais enfin, Haganeren, n’exagérons rien ! Il y a eu PLEIN de suites à Twilight Syndrome, nul besoin de tomber dans une mélancolie à deux francs !” et… C’est vrai. Mais d’une façon ou d’une autre, c’est comme si l’équilibre que réussissait à atteindre ce jeu coupé en deux n’avait jamais vraiment été retrouvé… D’ailleurs, on le voit même dans le chapitre secret de Twilight Syndrome Investigations, qui ne se débloque que si le jeu détecte une sauvegarde des deux jeux complétés à 100 % sur la carte mémoire. Quelque chose que je n’ai pas pu avoir, puisque j’ai fait le premier jeu sur ma vraie PlayStation et le second sur émulateur… Et je pense que je suis assez content de ça.
En effet, cette rumeur intitulée “Prank” est très différente des autres. Déjà, Mika en est l'héroïne et on la voit rencontrer un mystérieux “Ryo” qu’elle semble connaître… Avant de se rétracter et se demander ce qui lui a pris. Le garçon s’amuse de sa confusion mais lui déclare qu’il souhaite la protéger mais que pour cela il a besoin d’une “préparation”... Mika va ensuite voir ses amies qui… Ne semblent plus la reconnaître. Puis Mika voit Yukari embrasser un homme, ce qu’elle désapprouve. Puis, autre scène, elle voit Chisato faire un truc, du vol à l’étalage peut-être ? Je ne sais pas. Chisato, soudainement très vocale lui demandera si elle a vu, puis la traite de nuisance, stipulant que depuis qu’elle est arrivée dans leur vie à Yukari et elle, il n’y a eu que des problèmes. Puis Mika est dans un hôtel avec un euh.. Homme nu… qui lui dit qu’elle devait bien savoir ce qu’elle faisait….. Puis retour dans la rue et là, y’a une Chisato ensanglantée qui dit qu’elle a tué les parents de Mika aussi et je euh.. Et en fait tout ça est un rêve du mec “Ryo” du début… Mais en fait non ? ? ? ??
En ayant toutes les bonnes fins on débloque le 10e chapitre "Prank" qui est le seul totalement écrit par Suda et c'est... Très confus.
Les personnages sont plus sexualisés et ça y parle de sang, de meurtre, Misato qui te parle de fée passe pour une illuminée... On ne les reconnait plus !
Bref, c'est voulu comme un teaser pour Moonlight Syndrome sa "suite" mais ça gâche un peu la fin assez chouette du jeu.
Les personnages sont plus sexualisés et ça y parle de sang, de meurtre, Misato qui te parle de fée passe pour une illuminée... On ne les reconnait plus !
Bref, c'est voulu comme un teaser pour Moonlight Syndrome sa "suite" mais ça gâche un peu la fin assez chouette du jeu.
C’est marrant, mais quand on passe de la subtilité des rumeurs originelles, oscillant entre ennui et dinguerie, à ce chapitre d’une dizaine de minutes qui enchaîne les scènes chocs, c’est un peu… dissonant. Genre, au tout début, quand tu “sens que quelque chose ne va pas”, y’a une vibe, y’a un truc qui marche, un truc qui commence à arriver et qui pourrait potentiellement être incroyable. Mika, oubliée des autres, qui joue sur sa propre peur, sa propre jalousie de ne pas être intégrée dans ce groupe d’amies… Ah, mais pourquoi pas ! Y’avait un truc à creuser ! Mais immédiatement, on voit Yukari embrasser un homme et là, on fait “ah….” Puis ça part encore dans une direction différente, et ça devient de plus en plus n’importe quoi, et à la fin, on ne pense plus à ce qui arrive à ce personnage, on l’oublie. On se dit “qu’est-ce qui se passe ?” ou, moi je me dis “ah oui, c’est Suda51, ça se voit”. On est à ce stade totalement hors de l’univers du jeu, qui n’a plus tant d’importance.
Et c’est un peu ma peur en ce qui concerne la suite directe du jeu, Moonlight Syndrome. J’ai un peu commencé le premier chapitre, mais dès le début, on voit une Mika inquiète d’être poursuivie dans la rue. On voit un personnage bizarre, lynchien, qui s’avère être une personne avec qui on parlait au téléphone dans Twilight… Mais Mika est différente, plus agressive, et elle a l’air de s’en foutre du surnaturel, ce qui contredit totalement son personnage du passé. Les personnages en 3D sont horriblement laids, adieu les beaux décors en pixel art, bienvenue aux décors qui, dans le meilleur des cas, ressembleront à Myst, dans le pire… à pire.
Moonlight Syndrome est à voir comme un spin off, voir une fan fic tant les anciens personnages n'ont pas vraiment la personnalité d'avant.
Plus ennuyeux, les graphismes 3D ont BIEN plus vielli que le pixel art originel, la 3e images refait une scène de "Prank" et on voit la déchéance.
Plus ennuyeux, les graphismes 3D ont BIEN plus vielli que le pixel art originel, la 3e images refait une scène de "Prank" et on voit la déchéance.
Un truc souvent cité, c’est que tous les personnages un peu “bigarrés” du jeu, avec des discours pseudo-philosophiques, semblent avoir des voix sans sous-titres, alors que les lycéennes continuent à avoir du texte sans voix. Suda51 semble dire que c’est une nouveauté voulu pour signifier que les personnages de Moonlight ne sont pas exactement compatibles avec ceux de Twilight, qu’ils ne sont pas dans le même plan. Déjà, la règle n’est pas vraiment respectée, vu que les profs ou la mère de Mika parlent avec des voix sans sous-titres, et en plus, ce n’est pas une nouveauté puisque Twilight jouait déjà entre les fantômes qui parlent et les vivants qui n’ont que du texte ! Au-delà de l'inexactitude qui caractérise souvent ces auteurs connus, cela signifie tout de même que, dans leur esprit, le jeu a parfaitement conscience de sa différence avec la série originelle et en joue, ce qui est déjà un commentaire méta qui n’aide pas à se plonger dans l'univers… Sans compter que ça marcherait mieux si les personnages de Twilight semblaient VRAIMENT écrits comme s’ils étaient dans Twilight, ce qui n’est pas vraiment le cas, tant les personnages ne semblent pas parler ou réagir de la même manière. Au final, l'idée est sympathique sur le papier, mais c'est fait d'une manière qui semble très égocentrique, et ça m'empêche d’avoir de l'affection pour le projet.
Sur le papier, ça me rappelle vraiment la démarche de Final Fantasy VII Remake, où un Nomura fout ses petites angoisses de créateur sur le devant de la scène (j'en parle là), salopant tout le travail des AUTRES auteurs de Final Fantasy VII, qui était avant tout une œuvre collective. Ici, on a un Suda51 jeune qui est en mal de faire ses preuves et qui décide, parce que ça lui parle, de faire plein de trucs chocs ou abscons en prenant des personnages déjà connus et aimés… C’est au point où je suis étonné qu'il n'ait pas tué Mika dans le peu de temps que j’ai joué au jeu, parce que c’est complètement son genre ! Il est très probable que cet article soit updaté et que ces paragraphes soient remplacés par d’autres une fois que j’aurai vraiment fait ces jeux, mais vous voyez que cela ne donne pas l’impression d’avoir une vraie suite à Twilight Syndrome ! D’ailleurs, les fans japonais de la série ont tendance à détester totalement cet épisode-là, même s’il servit de base aux plus acclamés jeux d’aventure de Suda51, comme The Silver Case.
Quand Human explosa, une partie suivi Suda51 pour fonder Grasshopper et le reste Spike aujourd'hui connu pour la série des Danganronpa.
Le 2e épisode fait d'ailleurs un clin d'oeil très appuyé à Twilight Syndrome avec une séquence de jeu à la mise en scène identique. Très chouette !
Le 2e épisode fait d'ailleurs un clin d'oeil très appuyé à Twilight Syndrome avec une séquence de jeu à la mise en scène identique. Très chouette !
Human Entertainment s’effondrera après Moonlight Syndrome et d’autres jeux comme l’incroyable Mizzurna Falls... Leur activité console n'était pas déficitaire, mais apparemment leur division arcade l'était fortement. Vu que leurs jeux, eux, se vendaient bien, ils purent rebondir en fondant d’autres boîtes. Suda51, c’est connu, partira faire ses propres jeux avec certains employés dans son studio Grasshopper Manufacture, et les autres anciens de Twilight Syndrome fonderont Spike, une société que l’on connaît surtout aujourd’hui pour avoir démarré la série des Danganronpa en 2010 (dont j'avais à l'époque fait un article basé sur sa fan traduction !), dont le 2e épisode référence d’ailleurs directement Twilight Syndrome dans l’une de ses enquêtes ! En effet, on a le droit à une petite séquence de gameplay dans laquelle on contrôle une lycéenne exactement comme dans les Twilight Syndrome originels ! Un fantastique moment, en plus, dans le contexte du jeu, qui m’a permis de connaître cette série, tant cette caméra en vue de côté est instantanément reconnaissable.
Entre 2000 et 2010, des tentatives de suivre Twilight Syndrome ont existé. Twilight Syndrome: Saikai en 2000, qui ignore totalement Moonlight Syndrome, mais il serait un peu lent comparé aux premiers… Il y eut aussi Twilight Syndrome: Kinjirareta Toshi Densetsu, dirigé par le directeur des Twilight Syndrome, à savoir Keita Kimura, mais bizarrement il a l’air de reposer sur des jumpscares un peu bidon et ça n’a pas l’air si fou. En fait, le plus intéressant, ça a l’air d’être Yuuyami Doori Tankentai, sorti juste après Moonlight Syndrome, dans lequel on explore des rumeurs dans une ville en pleine récession des années 90. Pareil, le directeur étant le même que pour Sakai, le rythme est un peu lent, mais le réalisme de l’univers donne vraiment envie de sy intéresser !
Après l'effondrement de Human, la série continua son chemin avec trois entrées.
Twilight Syndrome : Sekai et ses nouvelles héroïnes, Yuuyami Doori Tankentai à une autre époque et l'épisode DS Kinjirareta Toshi Densetsu.
Twilight Syndrome : Sekai et ses nouvelles héroïnes, Yuuyami Doori Tankentai à une autre époque et l'épisode DS Kinjirareta Toshi Densetsu.
Bref, ce qu’il y a à retenir, c’est que ce sont des jeux qui, malgré leur relative clandestinité aujourd’hui, ont bien marqué leur époque. Je ne compte plus le nombre de blogs japonais faisant l'éloge de ces jeux sur lesquels je suis tombé, et ils ont sans doute contribué à populariser ce type d’horreur très orthodoxe qu’il y avait à l’époque et qui se fait tant parodier aujourd’hui. Ses personnages seront également, bon gré mal gré, à jamais une part du monde de Suda51, qui est aujourd’hui bien connu des occidentaux avec son univers “Kill the Past” où tout est lié. J’ai beau trouver ça déplacé, c’est bien lui qui a inspiré Sato de l’équipe Silent Hill pour faire les Forbidden Siren, par exemple.
Si vous souhaitez y jouer, car je n’ai finalement pas spoilé grand-chose des jeux, vous pouvez retrouver ce walkthrough du jeu sur YouTube avec des sous-titres traduisant le tout en anglais. Certes, vous n’aurez pas le plaisir de contrôler directement les personnages, de prier pour ne pas avoir la mauvaise fin ou d’avoir un fantôme vous chuchotant dans l’oreille dans votre langue maternelle, mais les commentaires heureux ont l’air de passer un bon moment tout de même ! Ce sera sans doute la seule manière d'expérimenter le jeu pour un moment. Un patch de traduction est bien en cours pour Moonlight Syndrome, sans doute porté par la popularité de Suda51... Mais c'est tout !
Pour nous, occidentaux, Twilight Syndrome reste une œuvre qui se dévoile en filigrane, portée par des créations qui l'ont dépassée, comme Kill the Past ou Danganronpa. Si c’est ce que j’étais venu y chercher, j’y ai découvert à la place une ambiance mélancolique et profondément universelle. Une surprise aussi inattendue que précieuse.