PlayStation 2   Okage : Shadow King   RPG   2001  PAR Folkefiende 





OKAGE Shadow King (Boku to Maoh au Japon, traduit officiellement par me and Satan king), édité en 2001 sur PlayStation 2 par Sony, est le premier jeu de l'obscur studio Zener Works. Ces développeurs débarquaient donc relativement tôt dans l'histoire de la célèbre console, et leur projet était relativement limité en termes de budget et de technologie si on s'en tient à la taille relativement faible du jeu, qui est contenu sur un seul CD. Cela dit, il ne s'agit ni d'un puzzle game, ni d'un versus fighter, mais bien d'un... RPG ! Un RPG PS2 qui tiendrait sur moins de 700Mo ? Mais ça doit être vachement limité, ça, non ? Et pourtant... Le jeu est passé relativement inaperçu, surtout en Europe où il n'est tout simplement pas sorti. Alors, qu'est-ce qu'il en retourne ?

L'histoire suit les mésaventure d'Ari, un jeune garçon ordinaire. Très ordinaire. Tellement ordinaire, en fait, que pratiquement personne n'a d'estime pour lui... quand il n'est pas mené à la baguette par son entourage ou tout simplement ignoré. « Tu vis toujours dans l'ombre de quelqu'un ! » fait remarquer un habitant de son village natal. C'est ironique, puisque c'est désormais dans l'ombre d'Ari que quelqu'un va venir habiter... Un certain Lord Stanley Hihat Trinidad XIV, malfaisant successeur du grand démon Gohma, pour être précis ! En effet, lorsque le père de notre protagoniste ouvre une étrange bouteille antique dans l'espoir de débarrasser la sœur du héros d'une malédiction qui la force à parler en Latin Porcin, cet entité ténébreuse qui prétend être un Evil King décide d'échanger ses services d'exorciste improvisé contre la possession d'Ari, qu'il estime être l'esclave parfait qui lui servira de réceptacle pour conquérir le monde. Et vous voilà donc lancé dans la conquête du monde par intérim... sans, bien sûr, avoir jamais demandé quoi que ce soit à personne.



Né pour être un gagnant.


OKAGE reste un RPG relativement classique dans le fond, avec une structure standard en village > overworld > donjon. Il faut en général parler à un peu tout le monde et bien visiter les environs pour faire progresser le scénario, on n'en rate donc pas une de l'univers du jeu ; les quelques sidequests, si elles ne sont pas parfaites, vont aussi dans ce sens. L'overworld, par ailleurs, n'est une mappemonde unique mais est divisé en plusieurs maps distinctes, le dépaysement est donc au rendez-vous. Il n'y a pas de random encounter sur ces maps et les ennemis apparaissent progressivement sous forme de petits nuages, c'est donc à leur contact que le combat commence.

Le système de combat, s'il reste similaire à ceux d'un Final Fantasy, possède quelques subtilités. On part toujours à l'assaut à l'aide d'attaques physiques et de sorts magiques, mais les magies offensives coûtent des points de vie plutôt que des points de magie et lesdits points de magie sont partagés entre toute l'équipe pour ce qui est des sorts de boost et de soin. L'équipe du jeu est limitée à 3 persos (à choisir parmi les 6 qui vous rejoindront dans votre aventure), et Ari en est l'élément central : En effet, sa mort donne directement droit à un game over. Il est aussi le seul à posséder le sort Overdrive, qui booste l'attaque de sa cible mais lui permet aussi de pouvoir faire un Burst qui lance une puissante vague de magie (mais dissipe l'effet d'Overdrive en conséquence). Gérer cet Overdrive se révèlera crucial dans la stratégie de combat ! Il est aussi possible de combiner les attaques des persos en "attente" pour que votre assaut converge vers une seule cible. Mais le plus gros changement reste la gestion du temps : En effet, une fois que l'action time bar de l'un de vos persos est remplie et que vient son tour d'attaquer, le temps se fige complètement ; et une fois la commande sélectionnée, le temps reprends son cours jusqu'au prochain remplissage d'action time bar. Ce système fait qu'il arrive souvent que plusieurs persos attaquent en même temps, ce qui ajoute une touche dynamique à des combats qui auraient été pénibles sans puisque le nombre d'ennemis peut parfois monter jusqu'à 10 ! Petit bémol tout de même : Il est parfois impossible de choisir exactement quel ennemi d'un groupe d'ennemis identiques vous voulez attaquer en particulier... Le jeu n'étant pas très difficile, ce n'est pas trop trop grave, mais ça reste un peu gênant quand même. Dans tous les cas, le système de combat n'est pas mauvais ; juste pas transcendant.

Notez que Stan n'est pas jouable. Il arrivera tout de même parfois qu'il intervienne en combat avec des attaques très puissantes, mais c'est relativement rare. Ce sera vraiment aléatoire, donc ne comptez vraiment pas sur lui pour vous sauvez la mise à chaque fois. Parfois, juste avant que le combat ne commence, il arrivera aussi que Stan vous demande de composer une phrase à partir de trois fragments et, si ça lui plaît, il ouvrira le combat avec une de ces attaques aléatoires. Bref, c'est plus un ajout présent pour rappeler la présence du Evil King qu'une mécanique véritablement intégrée au gameplay.

Le système d'expérience est, lui aussi, un petit peu différent : En général, dans les RPG classiques, les ennemis rapportent un nombre fixe de points d'expériences lorsqu'ils sont vaincus, et la quantité d'expérience nécessaire pour monter d'un niveau augmente au fur et à mesure que le personnage grimpe dans cette échelle. Dans OKAGE, c'est le contraire : Monter d'un niveau nécessitera toujours 1,000 points d'expérience, mais c'est au fur et à mesure que les ennemis rapporteront de moins en mois d'expérience. Ça méritait d'être précisé, même si ça n'a d'influence énorme sur la courbe de progression... sauf si vous êtes un rusher, cas dans lequel vous vous verrez contraints à quelques séances de grind.

Il y a un point noir au milieu du paysage jusqu'ici plutôt agréable du jeu, malheureusement : Les donjons. En effet, à quelques exceptions près, ce sont tous les mêmes... Ils s'agit de salles, établies sur plusieurs étages, dans lesquelles vous devrez trouver des Urnes (une sorte de midboss) qu'il vous faudra éliminer pour passer à l'étage suivant, et ce jusqu'au boss au fond du donjon. Il y a parfois quelques petites additions, comme des sceaux à activer, mais ça reste globalement répétitif... et le fait que la quasi-entièreté des donjons réutilise la même texture fade n'aide pas à dissiper ce sentiment de lassitude. C'est clairement le plus gros défaut du jeu, qui contraste avec sa diversité globale qui est elle tout à fait charmante.



À quelques subtilités près, principalement l'ATB, le système de combat reste assez classique.


Les combats restent néanmoins tout à fait jouables... alors que les donjons, eux, sont plutôt chiants.


En effet, il s'agit là de loin du point fort du jeu ! Son univers est franchement original. Le charadesign fait penser à un mélange entre les héros d'un manga pour enfants et les protagonistes d'un film de Tim Burton, en particulier les marionnettes du film culte The Nightmare Before Christmas sur lequel il a bossé avec Henri Selick (et auquel le jeu fait même une référence directe). Le caractère de ces personnages au carrefour entre les yeux de chat et la fantaisie gothique est dans le même esprit, et ils sont tous drôles et attachants... même Stan, qui est peut-être le meilleur perso du jeu ! Le monster design, lui, fait plutôt penser à des figurines artisanales ou à des créations en plasticine, un dérivé intéressant du bestiaire classique des RPG. L'environnement du jeu en lui-même, haut en couleurs et diversifié, est cohérent avec ce cast. Il est aussi tout à fait impressionnant d'un point de vue technique compte tenu de la faible taille du jeu, et l'effet de flou de distance (similaire à celui de 3D Dot Game Heroes qui sortira 8 ans plus tard) qui sert sans doute à ménager les ressources est au final doublement efficace, puisqu'il confère un aspect de maquette de stop motion aux maps et aux villages. La qualité technique est certes tempérée par des temps de chargement un peu plus long qu'à la normale, mais rien de dramatique qui ne dérange l'expérience de jeu. L'OST n'est pas en reste : Pas moins de 6 compositeurs différents y ont contribué ! Si elle est clairement dominée par l'électronique, on peut y entendre quelques tracks plus acoustiques comme le thème de l'écran titre Emotional Universe. On y décèlera aussi des influences jazz comme sur le Theme of Tenell (le premier village du jeu, qui ont d'ailleurs tous un thème d'intérieur ET d'extérieur) ou industriel sur Evil King Battle (les boss majeurs du jeu). La palme revient à la musique d'ending, HigherBreath, qui mélange habilement techno et world music et sur fond desquels est chantée une poésie imaginaire.

Mais la fraîcheur du titre ne s'arrête pas là ! En effet, le centre de l'univers du jeu, c'est son scénario et ses dialogues. Les codes du RPG sont pris à contrepied dès le début, puisque vous n'êtes pas un héros qui part sauver le monde mais bien un mec random qui part le conquérir pour le compte d'un démon ! Les situations qui découleront de ces péripéties sont franchement drôles et originales, mais ce qui est le mieux dans tout ça, ce sont les réponses que vous pouvez donner. En effet, comme dans tout RPG, il arrivera souvent que vous ayez à donner votre avis en sélectionnant parmi plusieurs réponses. Leur nature ici peut pousser à rire tant elles n'ont rien à voir entre elles, oscillant du jeune garçon timide à l'enculé notoire, et je me suis franchement marré quelques fois ! Ces réponses ne sont par ailleurs pas juste là pour déconner, puisqu'elles auront un impact sur l'issue d'une quête annexe. Mais si le jeu a clairement le parti pris de l'humour, ça ne l'empêche pas de développer plus tard (après un twist plot assez mindfuck) une réflexion franchement intéressante, qui concerne autant le jeu vidéo que la vraie vie. Le jeu peut prendre une tournure étrangement philosophique à laquelle on s'attend pas forcément au début de l'aventure, et cela sans jamais tomber dans le caricatural ou manichéen.



L'univers du jeu est une franche réussite. Et Kisling me fait penser à Beetlejuice...


Le jeu est clairement pensé pour être drôle, mais le scénario devient plus poussé par après.


C'est sur cette bonne note que je termine ma review. En effet, s'il est un peu dommage que le jeu reste trop classique dans le fond, il rattrape clairement cette faiblesse dans la forme avec un univers unique et coloré. Si vous recherchez un RPG sympathique et pas trop long (entre 20 et 25h), OKAGE est clairement une expérience à tenter !




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