PC   Pyongyang Racer   Course   2012  PAR Folkefiende 





S'il y a quelque chose dont les dictatures communistes en déclin sont friandes, c'est bien le tourisme. La République de Cuba a excellé dans ce domaine, allant jusqu'à créer un "tourisme d'enclave" séparant nettement les très ostensibles parcs hôteliers du reste de la société civile, le tout prenant des allures ridicules d'une Midgar caraïbéenne dont les prolétaires cubains occupaient les bas-fonds. Paradoxal, même si plus si surprenant, venant d'un État qui se réclamait de l'héritage égalitariste d'une révolution populaire !

Alors, quand l'embarras du décorum marxiste-léniniste n'est même plus dans le chemin, autant ne pas se gêner. C'est le cas de la Corée du Nord qui, si elle est souvent désignée comme "staliniste", a abandonné depuis plusieurs années toute référence au Communisme dans sa constitution, et a d'ailleurs même ouvert des "centres d'études du capitalisme" il n'y a pas si longtemps que ça. Bien sûr, il n'aura pas fallu longtemps avant que le tourisme ne se mette à intéresser les hauts fonctionnaires du Parti des Travailleurs Coréens. Dans un situation analogue à celle de Cuba, ils ont même prévu d'attirer des entrepreneurs pour que soit installé un réseau 3G... uniquement accessibles aux touristes, le restant de la population devant toujours de contenter du très orwellien réseau intranet à échelle nationale qu'est le Kwangmyong.

Mais les responsables de la communication du régime sont déterminés : Il faut du cash, ne fut-ce que pour pouvoir continuer à construire des statues. C'est ainsi qu'ils se sont une nouvelle fois tournés vers Koryo Tours, une complaisante entreprise britannique basée à Beijing qui se charge exclusivement d'activités liées au tourisme et à la culture nord-coréenne. Il leur fallait faire de la pub. Et pour ça, de tout ce qu'ils pouvaient faire, Koryo Tours a choisi de commissioner un... jeu vidéo !




Développé aux alentours de 2012 par un studio de joint venture nord-coréen du nom de NOSOTEK, Pyongyang Racer est le résultat de ce projet publicitaire. Il s'agit d'un jeu de course en flash, pensé comme un "serious game" donc, et accessible librement à cette adresse. Alors, qu'est-ce ça vaut ? Et pourquoi est-ce que je pose cette question rhétorique en sachant que tout le monde connaît déjà la réponse ?

Pyongyang Racer est donc un jeu en 3D de course contre la montre simpliste à travers la capitale nord-coréenne. Pendant l'anormalement long écran de chargement, les commandes expliquées sont claires puisqu'elles se basent exclusivement sur le pavé directionnel : On accélère avec haut, on tourne avec gauche ou droite et on "freine" (en fait, recule) avec bas. Ah, et on peut klaxonner avec espace aussi, excellent. Bref, le but du jeu est évidemment simple : Vous avez un circuit relativement long à boucler (comptez 8 bonnes minutes) une seule et unique fois. Cependant, vous avez aussi une jauge d'essence, et c'est évidemment game over si elle se vide entièrement ; pour éviter ça, il vous suffira de ramasser les bidons éparpillés sur votre chemin afin de ne pas tomber à court.

Bien sûr, c'est la Corée du Nord, et votre itinéraire est donc déjà tout tracé. Si jamais vous quittez la route, n'espérez même pas la liberté d'une collision avec la barrière ; vous serez rappelé à l'ordre et, après un écran noir, remis sur le droit chemin. Aux intersections, pas question non plus de choisir un embranchement : Votre virage est déjà déterminé à l'avance. La seule chose dans laquelle vous pouvez rentrer, ce sont d'autre automobilistes, et trois accidents vous vaudront d'ailleurs eux aussi un game over.



Ah, les "traffic ladies" nord-coréennes... Je me demande comment on se sent après une journée pareille.


Voilà à quoi se résume l'aspect ludique de Pyongyang Racer, sans grand étonnement. Cela dit, c'est un serious game ; il est pensé pour attirer des touristes à venir faire un tour dans la République Démocratique et Populaire, aussi désespérer cela puisse paraître. C'est ainsi qu'à côté des barils d'essence sont aussi éparpillés des carte postales contenant des informations sur un monument proche, ainsi qu'un lien cliquable vers le site de Koryo Tours (ce qui est le truc le moins pratique d'un point de vue ludique, par ailleurs). Bref, certainement pas de quoi en faire un fromage. Malgré tout, il y a quand même quelque chose de remarquable dans cet attrape-touriste...

Pyongyang est désespérément vide : Vous êtes la seule voiture qui roule sur ces immenses routes grises. On pourrait croire le contraire étant donné les véhicules sur votre chemin mais, après inspection, il se trouve que ceux-ci sont non seulement immobiles mais aussi tout simplement inoccupés. Et s'il n'y a personne au volant de ces bagnoles fantomatiques, les rues elles aussi sont laissées à l'abandon et aucune présence humaine n'y est décelable ; à l'exception d'une de ces fameuses agentes de contrôle du trafic d'un trafic qui n'existe pas, qui vous dicte le chemin à suivre et vous interdit même l'idée de la regarder. La musique de fond, qui alterne entre une version pop d'un chant patriotique et une musique d'ascenseur exotique, n'arrange naturellement rien à l'affaire. En fait, l'ensemble du voyage à travers la capitale donne l'impression d'avoir été méticuleusement préparé à l'avance. La seule chose avec un semblant d'honnêteté que vous croiserez sur votre chemin, c'est l'arrogance des affiches de propagande du régime et des bouts d'histoires adressé aux potentiels touristes.



C'est vide... sauf de monuments. Et oui, ils ont leur arche, et ils ont bien cherché à ce qu'elle soit plus grande que celle de Paris.


Et c'est cette authenticité qui est remarquable ! Le jeu a le mérite au moins d'être honnête : La rendition de la capitale dans Pyongyang Racer est incroyablement fidèle à la réalité, à quelques textures près. On ne pourra pas dire qu'il y aura eu mensonge sur la marchandise ; et si le jeu vous convainc de votre prochaine destination de vacances, vous saviez à quoi vous attendre.

Bref, voilà qui clôt ma review. Essayez donc ; ne fut-ce que pour le principe, et puis aussi pour vous donner une idée du sentiment de vide écrasant que laisse une simple traversée de Pyongyang sur ceux qui ont le malheur de s'y aventurer pour une virée virtuelle ou, pire... d'y habiter pour de vrai.

Oh, j'oubliais. Si vous vous sentez l'âme, sachez qu'il y a un leaderboard. Si si. Vous savez donc ce qu'il vous reste à faire...




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